La Conférence : Deux heures

Deux heures. 120 minutes. 7 200 secondes. C’est le temps qu’il a fallu à des dignitaires et fonctionnaires du régime nazi pour planifier ce qui allait devenir le plus grand crime de l’humanité de l’Histoire, et ce de manière méthodique, mécanique pour ne pas dire froide.

Une telle sidération est racontée dans le menu par Matti Geschonneck de façon étonnante et limite malaisante. Nous sommes le 20 janvier 1942, dans une villa située sur l’île de Wannsee, dans les faubourgs de Berlin. Plusieurs haut-fonctionnaires et représentants nazis se réunissent pour statuer sur le futur sort des juifs d’Allemagne mais également d’Europe. Objectif : parvenir à un accord afin de libérer le Reich de ce qui est considéré comme un problème. Tout au long des échanges, se succèderont tractations, compromis et enjeu de pouvoir. Toutefois, tous arriveront au but final, à savoir mettre en place un plan d’élimination des Juifs, plus connu sous le titre de « Solution finale ».

On a beaucoup entendu parler de la Shoah et de la façon à la fois méthodique et sadique dont les Nazis ont procédé pour exterminer six millions de Juifs à travers l’Europe. Ce qu’on sait moins en revanche, c’est comment s’est précisément déroulée la Conférence de Wannsee à ce sujet. C’est sur le compte-rendu de cette réunion discrète que le réalisateur s’est appuyé pour nous faire entrer dans les coulisses de pourparlers surréalistes dans lesquels chacun semble défendre ses intérêts comme son pré-carré.

L’intrigue se déroulant pratiquement en temps réel, le spectateur assiste aux premières loges aux échanges qui ont, pour la plupart, scellé le destin de millions d’hommes, de femmes et d’enfants. On y discute chiffres, mais aussi acheminement, ghetto et autres… les Juifs sont considérés comme une vulgaire marchandise qu’il convient de liquider (sans mauvais jeu de mots), comme on liquiderait un problème d’ordre administratif. 

C’est sans doute cela que Matti Geschonneck a voulu nous faire ressentir, et un tel résultat fait froid dans le dos. Tout au long de ses deux heures, une dizaine d’hommes, avec un détachement inouï et de façon implacable élaborent un plan d’extermination dans lequel tout est pensé, planifié mais aussi négocié. Peu importe qu’on parle de la vie d’êtres humains, ces fonctionnaires ne se posent pas la question. Wannsee est une réunion lambda dans ce qui est devenu leur normalité, c’est-à-dire la guerre. Bien évidemment, ils ne peuvent être conscient de la portée historique des décisions qu’ils s’apprêtent à prendre, ce qui donne un caractère encore plus tragique à l’Histoire. Peu importe, ils sont là pour travailler, planifier et appliquer ce qu’on leur demande, tout simplement. 

Deux heures donc et un sentiment de sidération lorsqu’arrive le générique de fin qui ne diffuse aucune bande son et qui contient un message en guise de rappel sans équivoque. Six millions de Juifs ont été assassinés par le régime nazi et leurs complices, une fois la Solution finale mise en route. Une manière de dire que le format de cette réunion, sa rapidité mais aussi sa froideur et sa violence sourde auront suffi à basculer le monde un peu plus dans l’horreur.

Nous devons cela à une poignée d’hommes 

La Conférence (Die Wannseekonferenz) 

Un film de : Matti Geschonneck

Avec :   Philipp Hochmair, Johannes Allmayer, Maximilian Brückner, Matthias Bundschuch… 

Pays : Allemagne

Genre : Drame, Historique

Durée : 1h48

Sortie : 19 avril

Note : 15/20

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