Les acteurs peuvent-ils (encore) avoir droit de cité ?

Il y a quelques jours, Laure Calamy faisait polémique. Non pas pour son dernier film, Bonne conduite, film sympa mais sans plus toujours en salles, mais pour sa prise de position concernant l’actuelle réforme des retraites et son adoption très controversée via l’article 49.3 de la Constitution qui engage la responsabilité du gouvernement, en l’absence d’un vote des députés qui peuvent renverser ce dernier via une motion de censure. Quelques temps après, c’était autour de Françoise Hardy de se faire remarquer. La chanteuse, astrologue mais également actrice (si, si !) prenait également position sur la réforme mais en soutenant le décalage de 62 à 64 ans, de l’âge de départ, exprimant au passage sa « honte » de ce qui se passait dans notre pays.

Dans les deux cas, ces sorties médiatiques n’ont laissé personne indifférent, certains applaudissant pour leur courage (présumé), d’autres estimant au contraire que Laure Calamy comme Françoise Hardy avaient raté une bonne occasion de se faire et qu’elles auraient dû se limiter à ce qu’elles savent faire de mieux, c’est à dire leur métier. Toujours est-il que ces différentes polémiques relancent la lancinante question de l’implication ou non des artistes (et plus particulièrement des acteurs) dans le débat publique, voire politique, une implication qui reste à double-tranchant. 

Christian Clavier en compagnie de Nicolas Sarkozy, tout juste élu Président de la République, le 6 mai 2007, place de la Concorde (Paris)

Ce n’est pas la première fois que les actrices et acteurs prennent la parole pour exprimer ce qu’ils ont à dire. C’est notamment le cas lors des élections en France comme ailleurs où certains affichent clairement leur soutien à tel ou tel camp et/ou leader. En 2007, Christian Clavier, Jean Reno ou encore Dominique Farrugia étaient présents aux différents meetings de Nicolas Sarkozy, candidat victorieux à la Présidence de la République. Cinq ans après, c’est Michel Piccoli ou encore Catherine Deneuve qui ont exprimé leur préférence pour François Hollande. Enfin en 2017, Pierre Arditi, connu pour avoir été un admirateur de François Mitterrand, faisait parti des présents au fameux diner de la Rotonde, dans le quartier du Montparnasse à Paris, au soir de la qualification d’Emmanuel Macron au premier tour de la présidentielle. 

Des soutiens qui peuvent prêter à sourire comme faire grincer des dents, si on estime qu’un acteur n’a pas à faire connaître ses positions. En effet, un comédien est là pour nous faire divertir, émouvoir, raconter une histoire ou incarner un personnage fictif comme réel et ses opinions ne concernent que lui. Les exposer, c’est prendre le risque de se mettre en porte-à-faux avec nombre de spectateurs qui sont aussi des citoyens et qui considèrent les acteurs comme donneurs de leçons et hors-sol, surtout s’ils se comportent comme des gauchistes ! A ce propos, les récents happenings d’Adèle Hanael, à propos de la (toujours) réforme des retraites, n’ont pas manqué d’être commentées par la droite (macronie comprise), tout autant que sa nouvelle apparence capillaire, déplorant le fait qu’elle se comporte désormais comme une politique plutôt qu’une actrice. 

L’acteur Charlton Heston brandissant un fusil lors de la 129ème convention annuelle de la National Rifle Association (NRA), le 20 mai 2000

C’est oublier que les comédiens ont également une sensibilité et une opinion sur le monde qui les entoure. C’est oublier aussi que des acteurs et actrices cela a toujours existé même si certains se sont distingués par leurs contradictions, certaines plus troublantes. Ainsi, Charlton Heston, mondialement connu pour avoir incarné Ben-Hur à la fin des années 1950, signe de l’explosion des péplums à Hollywood, fut celui qui défendra ardemment les droits civiques, sous la bannière démocrate, avant de s’engager tout ardemment, sous bannière républicaine, pour le droit de porter librement une arme à feu aux Etats-Unis. Parallèlement, si un réalisateur comme le britannique Ken Loach assume pleinement son positionnement (clairement) à gauche, son collège Clint Eastwood ne rate jamais une occasion pour sublimer une certaine idée ou vision de l’Amérique, à savoir traditionnelle, blanche et (très) patriote ! 

Autant de points de vue qui peuvent nous conforter comme nous dérouter et qui restent à double-tranchant, surtout lorsqu’ils sont à côté de la plaque. Ce fut notamment le cas en 1996, lorsqu’au Festival de Cannes, Sophie Marceau fustigeait le monde du cinéma qui faisait la fête sur la plage alors qu’à deux heures d’avion selon elle, l’ex-Yougoslavie était à feu et à sang. Une sortie qui, si elle avait de sa pertinence, avait été très peu appréciée par les intéressés ! 

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