Le spectre de #MeToo ?

Ce mardi s’ouvre le traditionnel Festival de Cannes. Jusqu’au 25 mai prochain, cinéastes, producteurs, acteurs mais également fans et autres curieux se retrouveront pour la traditionnelle grande fête du cinéma, sous la houlette de Greta Gerwig, présidente du jury cette année.

Une édition qui devrait être quelque peu agitée, si on se réfère aux dernières actualités et autres déclarations. Depuis quelques temps, en effet, une seconde vague #MeToo déferle sur le cinéma français et les révélations de Judith Godrèche qui a récemment porté plainte contre le réalisateur Benoit Jacquot pour viol et agression sexuelle sur mineure de moins de 15 ans. En outre, une liste comportant une dizaine de grands noms de notre cinéma hexagonal serait sous le point d’être diffusée en marge du Festival. Une information qui tient toutefois davantage de la rumeur d’autant que Mediapart, à qui on a prêté le fait d’être à l’origine de cette liste, a démenti les faits. 

Judith Godrèche, lors de la 49ème cérémonie des César en mars dernier

Depuis les révélations publiques de Judith Godrèche, le cinéma français connaît certaine pression. Il n’y a pratiquement pas un jour sans qu’on soit tenu au courant d’une vieille histoire ou d’un scandale mettant en cause, parfois bien des années après, tel ou tel ponte ou grand nom. On pense en premier lieu à Gérard Depardieu, désormais persona non grata un peu partout, mais aussi à Dominique Boutonnat, le président du Centre National du Cinéma et de l’image animée (CNC) qui, dans un mois, tout juste comparaitra au tribunal pour agression sexuelle. 

Très vite, plusieurs voix se sont élevées pour que l’industrie cinématographique hexagonale fasse son examen de conscience. Près de sept ans après l’affaire Weinstein, une belle requête ne manque pas de pertinence quand on sait que la formidable vague de protestation et de dénonciations des violences sexistes et sexuelles à l’égard des femmes n’a pas forcément eu l’effet escompté. Certes, il y a eu des avancées mais aussi des déceptions voire des contradictions. Cannes n’y a d’ailleurs pas échappé lors de la précédente édition qui accueilli, en grandes pompes, Johnny Depp pour Jeanne Du Barry alors que ce dernier venait de terminer son procès pour violences conjugales à l’encontre de son ex-femme, Amber Heard. 

Aussi, nombre de personnes se demandent si l’édition 2024 du Festival de Cannes sera hanté par le spectre de #MeToo, donnant l’occasion pour le cinéma français, de faire enfin le ménage et soutenir celles et ceux qui ont été victimes de prédateurs. Difficile à savoir dans les faits même s’il ne fait l’ombre d’un doute que la direction du Festival, menée par Thierry Frémaux, ne sera pas insensible à cette nouvelle libération de la parole, en dépit des déclarations qu’il a pu tenir il y a un mois, le 11 avril, lors de la conférence de presse de présentation de la Quinzaine cannoise. 

Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes

Au-delà, c’est une nouvelle prise de conscience mais aussi de courage à laquelle le cinéma français. Il ne s’agit, bien évidemment, d’opérer à une chasse aux sorcières et pour rappel, la présomption d’innocence est tout aussi primordiale que les paroles de la victime présumée. Toutefois, la démarche de Judith Godrèche mais également d’Isild Le Besco sans oublier les révélations de Juliette Binoche doivent être synonymes de changements majeurs comme d’engagements fermes et durables de l’ensemble des acteurs. Cannes 2024 pourrait, à cette occasion délivrer un message, ou afficher un positionnement politique clairement assumé et revendiqué, à l’instar de l’édition 2022 et l’intervention remarquée de Volodymyr Zelensky lors de la cérémonie d’ouverture.

Camille Cottin, maîtresse de cérémonie du 77ème Festival de Cannes

D’ici là, attendons voir ce que cette 77ème édition nous réserve car si, pour reprendre les propos de Thierry Frémaux, « le Festival sera pacifique, pacifié, joyeux, généreux et qu’on ne parlera que de cinéma », il n’est pas exclu qu’il devienne très politique et il est probable qu’il devienne olympique, mais cela, c’est une autre histoire ! 😉 

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