Joachim Lafosse est un cinéaste belge dont je connais encore peu le travail mais qui fait parler de plus en plus de lui. J’avais eu l’occasion de découvrir A perdre la raison, film sorti en 2012 où il rassemble la très belle Emilie Dequenne, Tahar Rahim et Neils Arestrup, et qui revient sur l’affaire Lhermitte du nom de cette femme condamnée pour infanticide sur ses enfants en 2009, une affaire qui avait secoué le plat pays.
Là, un fait divers que le réalisateur adapte à l’écran, celle de l’affaire de l’Arche de Zoé, à la base des Chevaliers Blancs. Jacques Arnault, président d’une ONG, se rend dans un Etat d’Afrique francophone pour superviser l’évacuation de trois cent enfants présumés orphelins, devant fuir la guerre. Ces derniers sont destinés à être adoptés par des familles en France et sont sélectionnés avec l’aide des chefs de village, moyennant finance. Jacques est assisté par une équipe de bénévoles dont sa compagne. Une journaliste est également présente pour faire part de leurs actions et en assurer la couverture médiatique. Mais face à la difficulté du terrain et piégée dans ses propres contradictions, la mission de l’ONG française ne se déroulera pas comme prévue.
Comme je l’ai indiqué plus tôt, Les Chevaliers blancs s’inspirent de l’affaire de l’Arche de Zoé, du nom de cette ONG qui avait procédé à l’évacuation d’une centaine d’enfants du Darfour en 2007, avant qu’Eric Berteau, le directeur et sa compagne, Emilie Lelouch furent arrêtés, avec le reste de l’équipe, par les autorités tchadiennes pour trafic d’enfants notamment. L’affaire, dont fut tiré un livre : Nicolas Sarkozy dans l’avion ? Les zozos de la Françafrique, avait fait grand bruit à l’époque au point que le gouvernement français avait du intervenir auprès du Tchad pour trouver une résolution et éviter le clash diplomatique.
A la lecture des Chevaliers Blancs et en lien avec l’affaire originale, on pourrait rapidement conclure à une dénonciation néo-colonialiste, celle d’humanitaires blancs qui vont secourir les pauvres enfants noirs afin de leur donner une vie meilleure, comme s’ils étaient en mission, dans le sens premier et religieux du terme. D’où le titre du film qui en réalité est un double jeu de mots subtil. Mais il serait à la fois injuste et plutôt malhonnête intellectuellement parlant d’en rester là.
Joachim Lafosse – c’est du moins mon sentiment – nous invite à aller plus loin que cette idée terre à terre. Car dans son film, il ne cherche pas à donner les points et à déterminer qui sont les bons et les méchants, les moralisateurs et les cyniques. Si Jacques et son équipe pèchent par un amateurisme certain, une certaine arrogance mais également par son incapacité à renoncer à certains engagements par souci de satisfaire tout le monde (notamment les familles adoptantes à qui on leur a promis un enfant), que penser des chefs de village davantage préoccupés à faire des affaires en réalité au point de ne pas être en phase avec l’éthique lorsqu’ils s’agit d’enfants présumés orphelins ? Plongée dans ses contradictions, sa volonté de tenir ses promesses et son sentiment d’être investi d’une mission, l’ONG française flirte avec les limites au risque de se retrouver hors-jeu, ce qui lui causera de nombreux torts, dont un très préjudiciable.
Ce qui donne au film une certaine crédibilité dans la mesure où ces hommes et ces femmes n’ont finalement pas respecté une chose essentielle : l’humilité, en dépit de leurs bonnes intentions. Ont-ils péché par arrogance ? Par naïveté ? Joachim Lafosse laisse plusieurs grilles de lecture, à vous de choisir, celle qui vous convient et/ou se rapproche de vos convictions.
Les Chevaliers Blancs
Un film de : Joachim Lafosse
Pays : Belgique
Avec : Vincent Lindon, Louise Bourgoin, Valérie Donzelli, Reda Kateb, Stéphane Bissot, Philippe Rebbot, Bintou Rimtobaye
Genre : drame
Durée : 1h52
Sortie : le 20 janvier
Note : 15/20