Chien blanc : combat(s) et dilemme

Denis Ménochet est un acteur dont j’apprécie de plus en plus le travail et le jeu. Il a ce don d’interpréter des personnages complexes parfois sombres dont on découvre l’intimité et les ambivalences. 

Son dernier film ne déroge pas à la règle. Nous sommes le 22 avril 1968. Martin Luther King, symbole de la non-violence et du combat antiraciste est assassiné à Memphis. Cette nouvelle met en désarroi la communauté afro-américaine et fait craindre une nouvelle flambée de violences dans un pays déjà profondément divisé. Romain Gary, écrivain et consul général de France à Los Angeles, est un témoin direct de ses évènements. Sa femme, l’actrice Jean Seberg, milite activement pour les droits civiques et au sein des Black Panthers, quitte à mettre sa carrière en danger. C’est dans ce contexte qu’ils recueillent un jour, un chien égaré. Ce n’est pas n’importe quel chien. Il s’agit d’un « chien blanc » dressé spécialement pour s’attaquer aux Noirs. Romain Gary, ardent défenseur de la cause animale, refuse de l’euthanasier, au risque de remettre en cause son couple et sa vie de famille. Il est en effet persuadé que rééduquer ce chien sera bien plus bénéfique. 

Romain Gary est un écrivain que je connais peu mais qui, semble-t-il, a joué un rôle majeur dans notre histoire contemporaine. Compagnon de la Libération, grand romancier à qui on doit entre-autres La condition humaine, c’est en toute logique qu’il occupe ce poste de diplomate au courant des années 1960, faisant de lui un témoin privilégié d’une Amérique minée par la ségrégation raciale. Il est d’autant plus privilégié qu’il partage sa vie avec Jean Seberg avec qui il a un enfant dénommé Diego. Jean Seberg, connue pour son rôle dans A bout de souffle avec Jean-Paul Belmondo, est une femme particulièrement active au sein de la communauté afro-américaine et qui défend mordicus les droits civiques. 

L’apparition du chien devient source à polémiques puis de tensions notamment entre Romain et Jean. Le premier, sensible à la condition animale, ne peut se résoudre à donner la mort à un chien qui au fond n’a rien demandé. Pour ce dernier, s’il y a des gens à blâmer, ce sont les maitres racistes qui l’ont éduqué ainsi. Un avis que ne partage absolument pas sa femme qui voit en ce chien, un symbole, celui de blancs suprémacistes qui ne reculent devant rien, ni même se servir d’animal pour arme.

Dès lors, Romain Gary est confronté à un cas de conscience. Il ne peut se résoudre à tuer ce chien mais le laisser en vie, c’est comme si il approuvait les méthodes des suprémacistes. Alors, il tente le pari un peu fou de le rééduquer, y voyant là une lueur d’espoir. Si ce chien évacue la haine qu’on lui a inculqué, cela peut être également valable pour les êtres humains et notamment les Américains qu’ils soient noirs ou blancs. 

Tiré d’une histoire vraie, Chien blanc décrit avec sobriété une Amérique minée par la question raciale, faisant écho à la situation actuelle comme le suggère d’ailleurs la scène finale. Un film qui tire son épingle du jeu, même si le rythme peut paraître lent à première vue. 

Chien blanc

Un film de : Anaïs Barbeau-Lavalette

Avec : Denis Ménochet, Kacey Rohl, K.C. Collins, Peter James Bryant, Laurence Lemaire… 

Pays : Canada

Genre : Drame

Durée : 1h35

Sortie : le 22 mai

Note : 14/20

Laisser un commentaire