Il y a des films qui sont de véritables claques, moins en raison d’effets spéciaux mais davantage en raison de leur scénario ou encore mise en scène. Ce genre de film qui tient suffisamment en haleine, bien aidé par un synopsis et une atmosphère particulière, renforçant toute une dramaturgie. Cerise sur le gâteau, lorsque le réalisateur en est à premier coup d’essai, c’est encore plus intéressant.
Les Rascals correspondent tout à fait à ce que je viens d’écrire et nous plonge dans un moment assez méconnu des années 1980, en 1984 précisément. Nous en sommes quelque part en banlieue parisienne. Ahmed dit Rico, Rudy et leurs camarades forment un groupe dénommé les Rascals. C’est une bande qui aime faire la fête, draguer dans Paris mais aussi la castagne, sans pour autant sombrer dans la délinquance. Sept ans plutôt, Rico, en présence de Rudy, s’était fait violemment passer à tabac par un skinhead, alors qu’il n’avait que 11 ans. Les souvenirs remontent immédiatement à la surface lorsque le jeune homme retombe sur son agresseur. Yann, devenu disquaire, a complètement tourné le dos à son passé de fasciste. Toutefois cela n’est pas suffisant pour Rico qui se venge en le rouant de coups. Cachée derrière la boutique de son frère, Frédérique, jeune étudiante en droit à Assas, est témoin de la violente scène. Elle est bien déterminée à faire payer à Rico et à sa bande l’agression. C’est dans ce contexte qu’elle se rapproche d’un certain Adam, chargé de TD mais surtout membre du Groupe Union Défense (GUD), un mouvement néo-nazi particulièrement fanatique.
Si le milieu des années 1980 sonnait encore avec insouciance, les choses changent brutalement avec la crise et ce qui va avec, à savoir l’explosion du chômage, la précarité mais aussi une montée de la délinquance. C’est dans ce contexte anxiogène qu’émerge le phénomène des bandes rivales. A chacun son signe de distinction, ses valeurs ou ses codes. Les Rascals, avec Rico à leur tête, sont typiques de cette période et d’une jeunesse issue majoritairement de l’immigration, qui se cherche et cherche plus largement une place dans la société française. De l’autre, on trouve Frédérique. Jeune étudiante dans la prestigieuse université de la rue d’Assas, c’est une provinciale issue d’un milieu modeste et qui croit en la méritocratie. Elle aussi cherche sa place dans une société française en pleine mutation et dans un contexte de montée inédite du Front National. Elle tente de trouver des réponses mais aussi un sens en s’impliquant dans les mouvements d’extrême-droite dure, en compagnie d’Adam.
Deux mondes qui se croisent et qui finissent par s’affronter entrant l’un et l’autre dans une spirale de violence assez marquée. Skinheads et immigrés se castagnent mais les deux groupes ont un point commun, celui de vivre dans une période où une certaine foi laisse place à un certain désenchantement et doute face à l’avenir. C’est notamment le cas pour Rudy qui aimerait bien éviter le service militaire mais qui, sans qualification, sait qu’il lui sera bien difficile de trouver quelque chose à l’ANPE (l’ancêtre de Pôle Emploi) s’il n’a pas fait état de ses douze mois dans l’armée. Toujours est-il que pour les Rascals comme pour Frédérique, 1984 marque un tournant, la fin même de l’innocence.
Les Rascals sont une véritable claque et je n’exagère pas lorsque je dis cela. Jimmy Laporal-Trésor nous décrit avec force cette partie des années 1980 qui a vu éclore les mouvements néo-nazi et autres groupuscules néo-fascistes mais aussi la réponse immédiate de ceux qu’on a appelé par la suite, les chasseurs de skins avec son lot de combats et de drames. Un film puissant qui rappelle que l’extrême-droite reste l’extrême-droite que certains le veuillent ou non.
Les Rascals
Un film de : Jimmy Laportal-Trésor
Avec : Jonathan Feltre, Angelina Woreth, Missoum Slimani, Victor Meutelet, Marvin Dubart, Taddeo Kufus…
Pays : France
Genre : Drame
Durée : 1h45
Sortie : 11 janvier
Note : 15/20