Filmer le Tour de France ou le raconter sur grand écran, c’est toujours quelque chose de sympa, voire génial lorsqu’on est cinéaste. Stephen Fears s’était déjà alloué à la tâche, en 2015, avec The Program qui retraçait l’irrésistible accession puis la spectaculaire chute de Lance Armstrong, l’ex-septule vainqueur de l’épreuve. Cette appétence pour notre épreuve cycliste mythique ne s’est jamais démentie années après années, l’occasion aussi de découvrir des hommes de l’ombre et pour cela, pas besoin d’aller dans le staff ou encore l’organisation, le peloton même suffit.
Nous sommes en 1998. Le Tour de France débute à Dublin et sera en terre irlandaise durant trois étapes. Dominique Chabol est coureur dans l’équipe Astrange. Ce Belge de 39 ans est ce qu’on appelle, un « domestique », un équipier expérimenté, au service exclusif et total de son groupe et plus particulièrement du leader, lui et lui seul qui peut prétendre à la victoire d’étape, voire au maillot jaune. Une situation qui place celui qu’on appelle Dom dans une situation particulière. Il doit se contenter de jouer les messieurs loyal, ce qui peut être frustrant à souhait lorsqu’on est sportif et qu’on veuille en toute logique briller. Alors que son contrat arrive à échéance et qu’il est brutalement mis à la porte par le manager de son équipe, il est finalement repêché et appelé à concourir sur la Grande Boucle. Grand cycliste mais usé par vingt années de carrière, Dom va tout faire pour rester « à la page » et montrer qu’il peut encore être utile à son équipe, quitte à mettre sa santé en danger.
Si le Tour de France nous a amené des champions de légende tels que Jacques Anquetil, Eddy Mercx, Bernard Hinault ou encore Miguel Indurain sans oublier Raymond Poulidor et Laurent Fignon, on n’oublie souvent que sans coéquipier, ils ne seraient pas là où ils sont. C’est justement le rôle des « domestiques » ou encore des gregorio, ces cyclistes qui sont là pour le leader et rien que pour lui. Attaquer le leader de l’équipe adverse ? C’est leur mission. Protéger leur chef de file ? C’est pourquoi ils sont payés et tant pis s’ils rêvent d’une victoire d’étape même symbolique.
Dom, après vingt ans passées sur le Tour (mais pas seulement) aimerait connaître ce moment si particulier mais il n’est qu’un coureur de seconde zone, et on ne manque pas de le lui rappeler. D’ailleurs, il est plus proche de la retraite et l’édition 1998 pourrait bien être la dernière, peu importe qu’il ait tout sacrifié, notamment sa famille, pour son équipe ! Aussi, lorsqu’il est rappelé par son manager pour remplacer un autre coéquipier au pied levé, Dom ne veut pas passer à côté même si cela implique de prendre des substances interdites, pourvu qu’il reste indispensable à l’équipe !
Sorti discrètement, L’équipier décrit avec justesse et effarement, cette réalité méconnue du cyclisme (et par extension du sport) remplie de forçats qui savent qu’ils n’auront pas un destin à la Mercx. C’est aussi un film sur une époque, celle du dopage et d’une certaine acceptation de la triche, élément incontournable d’ailleurs si on veut durer dans la discipline, du moins dans l’esprit de Dom et encore ! Il ne se dope pas pour gagner, juste pour rester dans le coup !
L’équipier (The racer)
Un film de : Kieron J. Walsh
Avec : Louis Talpe, Matteo Simoni, Tara Lee, Iain Glen, Timo Wagner, Ward Kerremans…
Pays : Irlande
Genre : Drame
Durée : 1h37
Sortie : 29 juin
Note : 15/20