Le boulot, mon boutchou et une certaine envie de lever le pied font que je ne suis pas allé squatter les salles obscures ces derniers jours. Pas de panique pour autant, ma cinéphilie n’a pas disparu – bien au contraire ! – mais parfois cela fait aussi du bien de souffler, pour mieux retrouver le plaisir de retourner au cinéma par la suite.
Toutefois, cela ne m’empêche pas de suivre l’actualité ciné avec les sorties à venir notamment au côté de Disney qui décembre prochain nous présentera Avalonia, l’éternel voyage (Strange World en Version originale), son dernier film d’animation pour décembre. Un long-métrage attendu qui sera disponible partout dans le monde… sauf en France où il passera directement par la case Disney +, autrement dit en streaming.
Vous avez bien lu, le prochain film Disney, le traditionnel film de Noël, sera directement en ligne dans l’Hexagone, une façon pour la compagnie aux grandes oreilles de dénoncer vivement la chronologie des médias, un concept qu’elle juge contraignant mais surtout obsolète. Pour rappel, la chronologie des médias est la période durant laquelle une œuvre sortie au cinéma doit attendre avant d’être diffusée sur les plateformes de Vidéo à la demande puis à la télévision. En décembre dernier, une mise à jour de cette procédure avait permis de réduire fortement les délais d’attendre tombant de trois à un peu plus d’un an en moyenne.
Une mesure qui avait fait les affaires de Netflix, Amazon Prime, également de Canal Plus qui voyait son temps d’attente passer de huit à seulement six mois mais pas de Disney qui s’estimait lésé malgré un délai considérablement réduit. L’entreprise américaine dénonce dans les faits le traitement qui lui est réservé, la firme devant retirer certains films de son catalogue temporairement lorsque ces derniers sont diffusés à la télévision, avant de les réintégrer. Une situation tout simplement inacceptable pour la firme qui a décidé de frapper fort, et donc sortir l’artillerie lourde.
Il faut dire que la France n’est pas un marché lambda, dans lequel les films Disney rencontrent toujours leur public. C’est surtout l’assurance pour les exploitants (notamment les indépendants) d’avoir des entrées et par extension des recettes non négligeables. Aussi, la décision de ne pas sortir Strange World sur grand écran est vue comme une provocation et un casus belli par les professionnels du secteur qui estiment que l’entreprise californienne s’affranchit d’un accord qu’elle a pourtant négocié et accepté in fine. A ce propos, les réactions n’ont pas tardé à venir et tout particulièrement celle de la Fédération Nationale des Cinémas Français (FNCF) qui, par voie de communiqué, condamne la position de Disney tout en l’invitant à revoir sa décision.
De son côté, Disney assume totalement cette stratégie, elle la revendique de même considérant que c’est un moyen pour peser sur la question de la chronologie des médias et forcer la France à revoir une nouvelle fois ses standards, avec pour objectif de raccourcir au maximum les délais entre la diffusion en salle et l’arrivée sur la plateforme. Si on peut comprendre la logique et le fait que les habitudes de consommation évoluent, c’est oublier aussi que les exploitants de salle ont, non seulement une affaire à faire tourner mais jouent un rôle majeur dans le succès d’une œuvre. Un point que la FNCF n’a pas manqué de rappeler citant le succès en salles du second volet de Doctor Strange. Qui plus est, les salles obscures s’estiment être prises en otage dans un conflit qui au bout du compte ne les concerne pas. Un argument qui se tient puisque les deux prochaines productions Disney, Buzz l’éclair et Thor : love and thunder sortiront bien en salles comme prévu.
Disney se sert ainsi de la chronologie des médias pour engager un bras de fer avec les chaînes gratuites de télévision, quitte à provoquer l’ire des exploitants. Une stratégie à double-tranchant qui, si elle ne fera pas forcément de gagnants, pour l’heure actuelle fait du tort à tout le monde.