Ouistreham : immersion(s)

La pauvreté, la précarité. Ce sont deux situations qui ne sont vraiment pas simples et agréables à vivre au quotidien. On doit tout compter, faire attention à tout, et c’est souvent à une vie de forçat à laquelle on a droit, sans oublier une certaine indifférence de la part de la société, comme si c’était la force des choses. 

Cette réalité, Marianne Winckler, la vit, ou plutôt a décidé de la vivre, volontairement. Marianne n’est pas n’importe qui. C’est une écrivaine reconnue et qui vit à Paris. Pour son prochain bouquin, elle veut connaître la réalité du travail précaire, des jobs épuisants, peu gratifiants et surtout mal payés, tout juste le SMIC. Pour parfaire son enquête, elle ne prévient personne et part sur Caen, en Basse-Normandie. Là-bas, elle se fait passer pour une femme au foyer qui se retrouve sans mari et surtout sans expérience. Pôle emploi lui propose un emploi de femme de ménage. Elle accepte et découvre un métier difficile, usant mais également des collègues, la plupart féminines, avec qui elle se lie d’amitié. Mais jusqu’où peut aller l’immersion ?

Ouistreham est tiré d’un livre de Florence Aubenas, le Quai de Ouistreham. A l’époque, le bouquin, sorti en 2010, avec fait sensation, la journaliste de Libération, du Nouvel Oberservateur puis du Monde racontant le quotidien de celles et ceux (surtout celles !) qu’on voit sans voir, c’est-à-dire les femmes de ménages (pardon ! Techniciennes de surface) et autres agents d’entretien. Celles et ceux qui font des tâches ingrates et qui sont payés des clopinettes. Un livre qui avait permis de mettre un nom sur ces femmes mais également sur notre réalité, plus ou moins (volontairement) ignorée. 

Cette réalité, Marianne Winckler, cette grande journaliste veut la découvrir. Dit comme cela, c’est assez (pour ne pas dire carrément) présomptueux, c’est un peu l’intello bourgeoise qui va chez les pauvres, connaître la « vraie vie », un peu comme on irait chez Disneyland Paris. Marianne – et par extension le film – ne tombe pas dans ce piège. Enquêter, c’est avant tout faire état d’une réalité qu’elle ignore, ce qu’elle reconnaît sans ombrages. Enquêter, c’est connaître le quotidien de Christelle, Marilou ou encore Justine, ces jeunes femmes qui ont quitté l’école assez tôt, le plus souvent sans qualification et qui, s’interdisent des loisirs afin de remplir le frigo et/ou assumer leur enfant. Les rares moments de détente, on en profite comme on peut, c’est aussi retrouver une certaine insouciance.

Porté par Juliette Binoche et des comédiens non-professionnels, Ouistreham nous rappelle que des gens existent, celles qu’on ne voit pas justement ! Pour s’en convaincre pas besoin d’aller en Normandie, ces invisibles on les trouve partout. Malgré un rythme lent, le film d’Emmanuel Carrère se défend bien et met Juliette Binoche en valeur, loin de l’idée qu’on aurait pu penser d’elle même si (pour être honnête), certaines positions (notamment sur les Gilets Jaunes ou bien encore le vaccin contre la COVID19) nous laissent pantois ! 

Ouistreham 

Un film de : Emmanuel Carrère

Avec :  Juliette Binoche, Hélène Lambert, Léa Carne, Emily Madeleine, Patricia Prieur, Didier Pupin, Louis-Do de Lencquesaing… 

Pays : France

Genre : Drame

Durée : 1h47

Sortie : 12 janvier

Note : 14/20

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