Jean Castex a tranché. Le Premier ministre a confirmé, ce vendredi 16 octobre, qu’il n’y aurait pas d’aménagements au couvre-feu qui s’applique dès ce samedi 17 minuit, pour l’industrie du spectacle et du cinéma. Autrement dit, les multiplexes et salles de Paris/Ile-de-France, Lyon, Saint-Etienne, Grenoble, Aix/Marseille, Toulouse, Rouen, Montpellier et Lille devront bel et bien fermer leurs portes à 21 heures et donc prévoir leurs dernières séances pour 18 heures, 18 heures 30 au plus tard afin de tenir compte de la mesure et permettre aux spectateurs d’être à temps chez eux.
Cette décision met fin à plusieurs heures d’hésitation mais également de cacophonie au sein du gouvernement. Suite aux annonces du Président de la République, mercredi dernier, les professionnels du cinéma avaient exprimé leurs vives inquiétudes face à une mesure jugée néfaste pour leurs activités. A ce titre, Roselyne Bachelot, la ministre de la Culture et de la Communication, avait fait part de sa part de sa compréhension et semblait même ouverte à un aménagement afin que l’heure du couvre-feu coïncidait plutôt au moment où les gens quittaient les lieux pour pouvoir rentrer chez eux, ouvrant de fait la possibilité de proposer des séances vers 19 heures, voire 20 heures. Une demande qui à laquelle s’est opposée Bruno Le Maire, ministre de l’Economie et des Finances, et à laquelle le Premier ministre s’est finalement ralliée.
Cette décision, même si elle est d’une certaine manière logique, est un sacré crève-cœur. Dans un contexte où les salles de cinéma peinent encore à retrouver des couleurs, l’absence de souplesse constitue un mauvais et inquiétant signal. Encore une fois, il ne s’agit pas de céder à un caprice de professionnels mais d’être sensible aux inquiétudes, voire angoisse de tout un secteur qui, avec les restaurateurs, s’estime la grande sacrifiée de la stratégie menée par le gouvernement. A ce propos, il convient de rappeler que la plupart d’entre eux était tout à fait disposée non seulement à jouer le jeu mais également à renforcer s’il le fallait le protocole sanitaire, déjà bien contraignant. L’inflexion du gouvernement vient doucher ce mince espoir.
Dès lors, les perspectives ne sont clairement pas réjouissantes et ce n’est en rien une exagération. En l’absence des séances très rentables du soir, les salles de cinéma doivent d’ores et déjà prendre acte et s’adapter. Mk2 n’a, d’ailleurs, pas attendu l’arbitrage de Matignon pour aménager ses horaires et proposer des séances dès 8 heures. UGC, Pathé-Gaumont et les autres sont sur la même logique en ouvrant également plus tôt et en étoffant leur programmation. En signe de solidarité enfin, ARP qui avait décalé la sortie de Peninsula, la suite du Dernier train pour Busan, pour le 16 décembre, est revenu sur sa décision. Le nouveau film du coréen Yeon Sang-ho sortira bien ce mercredi 21 octobre, tout comme – espérons-le – le prochain long-métrage d’Albert Dupontel, le bien-nommé (vu les circonstances !) Adieu les cons !
Toutefois, de telles mesures et adaptations suffiront-elles pour encaisser le choc ? Personnellement, je ne sais pas, je suis même plutôt sceptique ! La suppression de facto, des séances du soir pourrait décourager certains distributeurs à sortir leurs films durant cette période, pour des raisons financières évidentes. Qui plus est, on semble oublier qu’il y a (encore) des gens qui travaillent dans ce pays et que rare d’entre eux sortent vers 17 heures, voire moins (et non ne me sortez pas les fonctionnaires !) sans compter qu’ils ne viennent pas tous directement au cinéma se faire une toile ! Autrement dit, ces nouvelles mesures seront un sacré défi pour un secteur déjà en crise, une crise potentiellement mortelle, si les mesures promises par le gouvernement ne sont pas à la hauteur des belles déclarations d’intentions !
Pour ma part, comme vous vous en doutez, je continuerai dans la mesure du possible, à me rendre dans les salles obscures en espérant que les nouveautés seront bel et bien au rendez-vous. La période qui s’ouvre s’annonce cruciale et tendue par notre cinéma et plus que jamais, nous irons tous au cinéma.
En espérant qu’entre temps, ce gouvernement fera preuve de bon sens… avant qu’il ne soit trop tard !