
Tout cinéphile qui se respecte a une hantise, c’est de voir une salle de cinéma, son véritable centre de loisirs, fermer définitivement le rideau. Le récent épisode du confinement est, à ce propos, une (douloureuse) piqure de rappel, tant le manque était là, du moins en ce qui me concerne.
Alors que les multiplexes et autres salles indépendantes de notre pays se préparent à leur réouverture actée pour le lundi 22 juin, je viens d’apprendre la fermeture définitive de l’UGC George V situé non loin de l’Arc de Triomphe, sur la plus belle avenue du monde. Le second exploitant de France a, en effet, profité de la fin du bail des locaux pour tirer le rideau, une décision inattendue et surtout surprenante. Surprenante quand on sait que l’UGC George V est idéalement située au haut des Champs-Elysées à proximité de la station Charles de Gaulle-Etoile du métro/RER et que ses onze écrans constituaient souvent une bonne alternative si vous en aviez marre d’aller aux Halles ou à Bercy. En quittant la prestigieuse avenue, UGC se concentre uniquement sur les quatre salles du Normandie et laisse surtout le champ libre à Gaumont situé plus en bas, juste à côté de la boutique du PSG et qui devrait se maintenir encore pour un bout de temps.

Crise du coronavirus oblige, les exploitants et autre professionnels de l’industrie auront certainement pour mission de reconcentrer leurs activités et donc leur stratégie. La fermeture prochaine du George V n’en est que logique par conséquent. Bien que situé sur une avenue prestigieuse, l’UGC George V vieillissait très mal, ce qui pouvait avoir son charme mais aussi ses inconvénients. En effet, si le côté années 1960/70 peut séduire certains spectateurs, force est de constater que les onze salles du lieu ainsi que les couloirs faisaient vraiment pâle figure face aux autres multiplexes du groupe mais aussi à d’autres cinémas plus accueillants, voire plus moderne !

En outre, UGC développe son réseau en privilégiant l’ouverture de nouveaux multiplexes ou la rénovation des actuels, les fameux Ciné Cité à l’instar de Parinor (Aulnay-sous-Bois), Rosny, Parly 2, ou encore celui de la Porte d’Aubervilliers (Paris 19) pour ne parler que de la région parisienne, ce qui n’interdit pas l’acquisition de lieux plus modestes comme le Majestic à Meaux ou le Roxane à Versailles, sans oublier l’enseigne C2L à Saint-Germain-en-Laye ainsi que le Métropole à Lille. Autrement dit, priorité est donnée à ces grands cinémas accueillant au minimum dix salles et surtout un grand nombre de sièges, proposant au passage une large programmation allant du blockbuster aux films Arts et essai. Des cinémas modernes dans lesquels, il est tout simplement agréable d’y aller pour aller voir un film mais pas seulement, ce qui au final rapporte beaucoup plus que les salles de l’UGC George V, ses couloirs mal agencés et surtout mal éclairés. Un choix clairement assumé quand on sait que ces grands ensembles sont quasiment tous situés dans des zones commerciales ou marchandes, il suffit de vous rendre à La Défense, Bercy ou encore aux Halles pour s’en rendre compte de leur potentiel ainsi que la manne récoltée chaque année !

C’est sans doute cette même logique qui a conduit Gaumont à fermer deux lieux mythiques après 2016, l’Ambassade, inauguré en grandes pompes en 1959 (et qui fut, durant longtemps un ciné très en vue dans la capitale) et le Marignan, ne laissant que le Champs-Elysées. La fin du George V marque aussi la fin d’une époque, celle où la plus belle avenue du monde n’était pas que deux kilomètres de magasins de prêt-à-porter, de concessionnaires haut-gamme ainsi que de restaurants trois étoiles, le nouveau flagship (vaisseau amiral) des magasins de la marque à la pomme, mais aussi un lieu où la culture et plus particulièrement le cinéma avait une place de choix. Pour l’anecdote et en guise de cruelle conclusion, le Gaumont Ambassade a laissé place à un… magasin de chaussures ! Triste destin en effet, même s’il est dit que mk2 devrait prendre le relais de l’UGC George V à l’horizon 2022. Wait and see !