Le plaidoyer incompris

La 45ème cérémonie des César continue encore à faire parler d’elle, non pas pour son palmarès mais pour ses deux principales polémiques, l’affaire Polanski bien évidemment, mais aussi le coup de gueule incompris d’Aïssa Maïga, devant l’assistance.

Durant quelques minutes, l’actrice et présidente du collectif « Noire n’est pas un métier » a fustigé le manque de représentation des actrices et acteurs originaires issus de la diversité dans un discours qui se voulait sans concession et surtout revendicatif, à la grande surprise du public de la salle Pleyel, notamment Vincent Cassel, qui fut cité. Peu de temps après, les réactions (positives comme négatives, mais surtout négatives) n’ont pas trainées.

Comme la plupart des téléspectateurs présents devant leur petit écran vendredi soir, j’ai été témoin de la prestation d’Aïssa Maïga et disons-le tout net. Le plaidoyer de l’actrice est un raté sur la forme. Trop long, incisif… il y avait comme une certaine distance. C’était sans doute l’effet recherché mais suffisant pour le raté soit au rendez-vous et que la comédienne passe à côté de l’effet recherché.

C’est sur le fond en revanche qu’il a débat. Si le plaidoyer de l’article est sujet à critiques (pertinentes   comme totalement déplacées), il n’en demeure pas moins qu’il souligne une fois encore le malaise palpable et ressenti par certains dans la représentation de nos compatriotes issus de l’immigration. Il y a vingt ans tout juste, Luc Saint-Eloy et Calixte Beyala avaient également dénoncé le manque flagrant d’acteurs noirs dans les productions cinématographiques, dans des rôles majeurs. Un propos clair, censé frapper les esprits et dont on aurait pensé qu’il ferait enfin bouger les lignes comme le rappelle cette vidéo.

Vingt ans après, le bilan est (très) inégal. Si certaines avancées existent et que des acteurs percent littéralement à l’écran tels qu’Omar Sy dans des rôles majeurs, c’est davantage grâce à la volonté « militante » de certains producteurs et cinéastes qu’un véritablement changement de mentalité. Pour preuve, les divers témoignages effarants d’Aïssa Maïga, Sonia Rolland mais aussi Marie-Philomène Ngo ainsi que toutes les actrices ayant témoigné dans Noire n’est pas un métier, son livre coup de poing paru il y a bientôt deux ans. Les propos sont édifiants et montrent que les clichés sur la femme noire ont la vie dure et perdurent dans le descriptif des rôles proposés.

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Saïd Taghmaoui et Vincent Cassel dans « La Haine » de Mathieu Kassovitz en 1995

Une situation qu’avait déjà rencontré des acteurs comme Issac de Bankolé ou encore Saïd Taghmaoui en leur temps. Vous ne le connaissez sans doute pas – et pour cause ! L’un comme l’autre ont débuté leur carrière dans l’Hexagone, le premier dans Black Mic Mac en 1986, le second dans La Haine, neuf ans après. Deux acteurs qui malgré des débuts prometteurs, sont restés cantonnés à des rôles réunissant tous les clichés : le noir athlétique avec un gros accent africain ou encore l’arabe dealer et racaille. Ce n’est finalement qu’au prix d’une expatriation aux Etats-Unis que l’un comme l’autre ont vu leur carrière avancer et exploser, comme le souligne assez clairement Saïd Taghmaoui depuis, le tout avec une certaine amertume.

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Aissa Maiga, lors de la 45ème cérémonie des César, le 28 février dernier

Ce qui explique sans doute la position d’Aïssa Maïga dont la prestation ratée fait oublier l’essentiel : la portée du message. L’interprète principale de Il a déjà tes yeux a été pourtant claire, n’en déplaisent à certains polémistes comme Gilles-William Goldnadel ou des responsables politiques comme la très affligeante Nadine Morano. Les choses ne peuvent changer qu’avec le concours de tous, c’est même primordial ! Aussi, il n’est pas impossible que, si rien ne change, certains reverront ce genre de plaidoyer dans vingt ans, ou moins ! Tout est une question de volonté ! Après tout, suite à la polémique #OscarSoWhite qui éclatée il y a quatre ans, l’Académie des Oscars, sous le coup d’un boycott des acteurs et producteurs noirs ainsi que d’une menace de ces derniers de distribuer leurs propres films, en avait tiré (partiellement) les conclusions en prenant des mesures concrètes en faveur de la diversité. Encore une fois, c’est du côté d’Hollywood que les choses bougent (un peu), tout n’est pas éternellement figé !

 

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