(Très) cher cinéma français ?

EGwlTyMXYAEWlDaParlons (à nouveau) bouquin, dans le cadre de mon blog comme toujours ! 😉

Le cinéma français est un Janus à deux visages : tantôt on l’adule, tantôt on le conspue. Tantôt, il sort des longs-métrages audacieux et forts (je pense notamment aux récents que j’ai vu comme Au nom de la Terre, par exemple), tantôt il sort des buses (le dernier Onteniente, pour ne citer que lui ou encore le Dindon qui porte bien son nom). Un jour, on trouve que les spectateurs ont du goût, un autre ce sont ces mêmes spectateurs qui vont regarder en masse les derniers films de Dany Boon ou encore le second volet de Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu !

C’est ainsi qu’en septembre dernier, un certain Eric Neuhoff a sorti un (énième) bouquin sur l’état de notre cinéma. Dans (Très) Cher cinéma français, il rédige littéralement une lettre ouverte qui fait office de réquisitoire acerbe et sans concession dans lequel tout le monde y prend pour son grade, en particulier Isabelle Huppert et François Ozon, allez savoir pourquoi ! Sur quasiment 145 pages, l’auteur dézingue le milieu dans lequel, personne – ou presque – ne trouve grâce à ses yeux. Pour lui, le constat est sans appel : notre cinéma se meurt, faute d’innover et donc de proposer les mêmes soupes, les mêmes recettes. Un avis que ne partage (évidemment) pas les pontes de notre 7ème art, à commencer par Yvan Attal qui estime que le cinéma français est dans un bien meilleur état, l’invitant au passage à aller faire un tour du côté du cinéma américain !

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Eric Neuhoff, écrivain et journaliste au Figaro, auteur de (Très) cher cinéma français

D’un naturel curieux, j’ai donc voulu en savoir plus et pris le risque de débourser la somme de 14 euros pour lire, ce qu’il avait tant à reprocher au cinéma français qu’il considère comme je cite « emmerdant », « sans personnalité » et « prétentieux ». Très vite, on est comme pris d’un certain malaise, non pas que ce qu’il prétend soit totalement faux mais que tout simplement, on frise tout simplement le grotesque ! Eric Neuhoff en est sans doute conscient, ce qui ne lui gêne pas pour vider son sac et tailler un costard à un cinéma qu’il ne reconnait plus. Un cinéma des années 1970 et un prétendu âge d’or dans lequel, ce média était tout puissant et surtout singulier. Ajoutez à cela, une bonne pointe de propos misogynes et sexistes (mention spéciale à l’actrice dite « salope » qu’il semble apprécier) et notre cinéma est rhabillé pour l’hiver.

Je ne connaissais absolument pas Eric Neuhoff avant d’avoir lu son bouquin et si tout n’est pas à jeter, force est de constater qu’il n’a pratiquement rien à garder non plus ! Comme je viens de l’écrire, Eric Neuhoff est nostalgique d’un temps qui n’a jamais vraiment existé et conspue surtout un cinéma français biberonné aux subventions tous azimuts, faisant que des réalisateurs ou des producteurs préfèrent prendre le moins de risques possible. Certains peuvent s’en émouvoir mais c’est justement ce qui constitue la particularité et la force de notre cinéma : le fait que des institutions publiques (L’Etat via les ministères de la Culture et celui des Affaires étrangères, les Régions, CinéFrance…) mettent la main à la poche pour financer des projets qui n’auraient probablement pas eu la moindre chance auprès des grandes maisons de productions.

Une attitude qui s’explique également par le fait qu’aller au cinéma – lorsqu’on n’est pas l’heureux titulaire comme moi d’une carte d’abonnement en illimité – peut s’avérer coûteux. Avec un prix de base en moyenne de 10 euros la séance, difficile pour un film indépendant (quel que soit sa nationalité) de ferrailler avec un blockbuster. Les gens veulent en avoir pour leur argent, ils veulent se divertir (dans le sens du mot anglophone entertainment) et seront plus attirés par le quatrième volet de La Vérité si je mens ou le nouveau film de et avec Dany Boon que le dernier long-métrage de Céline Sciamma. La concurrence est rude et un sou est un sou, c’est triste mais c’est comme ça !

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De là à dire que le cinéma français est une espèce en voie d’extinction, miné par son aveuglement ? Voilà un point de vue assez curieux et bien aigri d’un homme qui semble davantage régler ses comptes avec le milieu que de porter un regard véritablement critique, avec porteur de solutions. Car solutions, il n’en propose pas et c’est tout le drame de ce bouquin qui, une fois la lecture faite, s’est retrouvé au fond de mon sac, badigeonné d’un Activia à la Vanille que j’avais oublié et qui a du s’écraser sans que je m’en rende compte. Un signe ?

(Très) cher cinéma français, édition Albin Michel, 144 pages, 14 euros

[BONUS] Retrouvez un extrait de l’entretien d’Eric Neuhoff sur Europe 1, le 4 septembre dernier à l’occasion de la sortie de son livre.

4 commentaires sur “(Très) cher cinéma français ?

  1. Les extraits que j’en ai lus ont suffi à me rendre folle de rage. Je trouve que ce truc témoigne d’un mépris sans nom et surtout d’une méconnaissance de la richesse et de la diversité du cinéma français contemporain.
    Quant à La Vérité si je mens 4, il est en train de faire un flop total, comme quoi il reste de l’espoir !

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    1. Effectivement, on sent tout de suite chez ce monsieur une aigreur sans nom et surtout une mauvaise foi ! Que le cinéma français ait des failles, cela est évident mais le descendre de cette façon…

      Sinon oui la Vérité si je mens 4 est un four !

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      1. Ça me rappelle le moment où j’ai parlé de ce bouquin avec Cédric Klapisch. J’ai même coupé un peu ce qu’il en disait parce qu’il le trouvait aussi insupportable et l’exprimait très clairement !

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