Ce film a été présenté en compétition du Festival de Cannes qui se déroule du 14 au 25 mai.
Les frères Dardenne sont de retour à Cannes, une ville qu’ils connaissent bien et qui leur a porté chance dans le passé, avec deux Palmes d’Or pour Rosetta (en 1999) – qui a révélé Emilie Duquenne – et L’enfant (en 2005). Cette année, ils sont bien décidés à tenter la passe de trois, en évoquant un sujet sensible et délicat, la déradicalisation, avec leur nouveau projet : Le jeune Ahmed
Comme le titre l’indique, le film se concentre sur l’histoire d’Ahmed qui vit en Belgique non loin de Liège. Il a 13 ans et est particulièrement pieux. Pieux au point d’épouser une vision rigoriste de l’Islam. Proche d’un imam fondamentaliste et sous son influence totale, il est en guerre contre sa mère qu’il considère comme « impure » et contre sa prof d’arabe qu’il juge « mécréante ». Un jour, il tente de poignarder cette dernière, ce qui lui vaut d’être placé dans un centre fermé. Ahmed, persuadé d’agir au nom du djihad, arrivera-t-il à prendre conscience de la gravité de ses actes et surtout répondre aux appels de la vie ?
Connus pour leur « approche sociale », à la fois réaliste et grave, Luc et Jean-Pierre Dardenne s’interrogent sur la personnalité et le destin de ce jeune de 13 ans qui, à un âge où il devrait profiter de la vie et connaître ses premières expériences, se plonge dans la radicalisation. Ahmed, plutôt de de profiter de son adolescence et vivre une vie tout à fait normale, veut grandir trop vite, s’imposer de nouvelles responsabilités, comme si la religion pouvait donner un sens mais aussi apporter de l’ordre dans sa vie mais aussi celle de sa famille. Il faut dire que la mort de son père et les problèmes d’alcool de sa mère jouent pour beaucoup dans sa vision rigoriste des choses. Du haut de son jeune âge, il ne supporte pas ce qu’il considère comme une déchéance de sa mère et cherche d’une certaine manière des réponses. Ses réponses, il pense les trouver auprès cet imam, épicier à ses heures perdues, qui, en raison de son statut et de son autorité, prend littéralement sur Ahmed qui le considère comme un guide, dans tous les sens du terme. L’imam, c’est sa bouée de sauvetage et son Islam radical, c’est pour mieux cacher sa fragilité que l’on devine à certains moments-clé du film notamment dans ses relations avec sa mère où Ahmed (re)devient, pour un court instant, un ado ordinaire, qui aime sa mère et qui veut prendre soin d’elle. Aussi, lorsqu’il sera envoyé en centre fermé, il perd naturellement ses repères, lui qui est persuadé de bien agir. Cet établissement est cependant pour lui une opportunité pour comprendre ce qu’il a fait avant qu’il ne soit trop tard. Mais, vu la radicalisation et le rigorisme d’Ahmed, n’est-il déjà pas trop tard ?
C’est en tout cas, la question que posent en filigrane les frères Dardenne, une question pas si simple et qui n’a surtout pas de réponse tranchée. Une manière de dire aussi que si les causes de radicalisation sont connues, il est primordial d’agir en amont et au plus vite, une façon de dire aussi qu’à 13 ans, il y a des choses bien plus belles à vivre que d’être dans une logique de sacrifice.
Un film qui reste dans la lignée du cinéma des Dardenne, un cinéma qui tape juste.
Le jeune Ahmed
Un film de : Luc et Jean-Pierre Dardenne
Pays : Belgique
Avec : Idir Ben Addi, Olivier Bonnaud, Myriem Akheddiou, Victoria Bluck, Claire Bodson…
Genre : Drame
Durée : 1h25
Sortie : le 24 avril
Note : 15/20