Comme chaque année, le Festival de Cannes nous livre son lot de stars, de strasses et de paillettes, mais aussi de controverses en tout genre.
Alors que toute la planète cinéma débarque sur la Côte d’Azur pour assister à cette grande messe du 7ème art, qu’une première polémique éclate. Le 13 mai dernier, plus de 15 000 personnes ont signé une pétition dénonçant la remise à Alain Delon d’une Palme d’honneur pour l’ensemble de sa carrière cinématographique. La raison ? Ses propos racistes, misogynes et sexistes passés. Une mobilisation qui – pour l’heure – n’a pas fait reculer la direction du Festival, bien au contraire, invoquant la dissociation entre la liberté d’expression et l’artiste pour justifier sa décision.
La mise en cause d’Alain Delon n’est pas anodine, dans le contexte post-Weinstein et Me Too. Bien évidemment, ce monstre sacré du cinéma français (et mondial) n’a aucun lien avec le producteur déchu d’Hollywood ou tout autre cinéaste accusé d’avoir eu un comportement déplacé. Cependant, avec la libération salutaire de la parole et le combat contre le sexisme qui sévit encore dans le monde merveilleux du septième art, cette reconnaissance prévue peut être considérée, pour certains, comme une provocation, à l’heure où l’industrie se doit de se montrer exemplaire et surtout faire table rase du passé.
Alain Delon a souvent été décrit comme l’incarnation parfaite de l’homme sûr de lui, (parfois) arrogant et qui ne doutait de rien, notamment vis-à-vis des femmes, au point d’être la plupart du temps caricaturé. C’est, vu de l’étranger, l’archétype du mâle dominant à la française, un peu comme Belmondo, d’une certaine manière. Un homme aux idées tranchées, brute de décoffrage mais, pour je ne sais quelle raison, on arrive plus ou moins à passer outre.
Ce qui pose la question de l’artiste vs. l’homme. Le cinéphile que je suis n’est pas nécessairement un fan d’Alain Delon et encore moins un fan de l’homme. Le cinéphile que je suis ne partage absolument pas les déclarations à l’emporte-pièce de l’acteur notamment les plus récentes sur l’adoption d’enfants par des couples gays et lesbiennes, sans oublier ses multiples déclarations xénophobes. Toutefois, le cinéphile que je suis ne peut ignorer l’aura et le prestige dont jouit l’homme de 83 ans, à la filmographie impressionnante et dont il pourra toujours se targuer, même en continuant à prendre le melon.
Dès lors, faut-il dénoncer Alain Delon le raciste (présumé) et le machiste au détriment d’Alain Delon, le monument de notre cinéma, un statut que personne ne lui conteste, pas même ses plus fervents détracteurs ? Certains se sont posés la question pour d’autres cinéastes mis en cause dans des histoires de mœurs plus graves, notamment Woody Allen, plus ou moins mis au banc d’Hollywood depuis la relance des accusations d’agression sexuelle proférée à son encontre. D’autres refusent de trancher à l’instar de Thierry Frémiaux, le directeur du Festival de Cannes qui veut célébrer Delon, l’acteur et en aucun cas l’homme, dénonçant au passage ses propos passés. Pour ma part et pour être complètement honnête, je n’ai pas d’avis tranché, me trouvant dans une situation pas nécessairement confortable. Après tout, il n’est pas le seul : qui se souvient de Charlton Heston, remarquable dans Ben-Hur mais pitoyable dans Bowling for Columbine (sorti en 2002) où ce grand acteur, mais aussi contribuable de la Nationale Rifle Association (NRA), fuyait Michael Moore et la photo d’une adolescente victime de la tuerie tristement célèbre dans un lycée du Colorado en 1999 ? Et pourtant, son talent est largement mis en avant par tous les cinéphiles !
Une polémique qui n’est peut-être pas prête de s’éteindre !