Adam McKay est un cinéaste engagé, du moins il n’hésite pas mettre les pieds dans le plat, quitte à polémiquer.
En 2015, il nous avait décrit, dans The Big Short, les origines de la crise des subprimes où comment quelques spéculateurs n’ont pas hésité à tirer sur les cordons de la bourse et jouer avec les économies de certains ménages américains pour s’en faire pleins les choses et tant pis si cela provoquerait la plus grande et grave crise financière qu’on ait connu depuis 1929 !
Quatre ans après, dans Vice, il récidive non pas sur le plan financier mais dans le champ politique en s’intéressant à Richard « Dick » Cheney, vice-président des Etats-Unis de 2001 à 2009. Dick Cheney, c’est l’histoire d’un homme au parcours singulier qui, de simple stagiaire à la Chambre des représentants à la fin des années 1960, deviendra l’homme le plus puissant de la planète aux côtés de Georges Walker Bush, trente ans après. Fin connaisseur de la vie politique américaine et des arcanes de pouvoir, l’homme originaire du Wyoming tissera tranquillement mais surement sa toile et œuvrera de l’ombre. En sa qualité de vice-président (mais pas seulement), ce néo-conservateur pur et dur est à l’origine du nouvel ordre mondial et de décisions dont on sent encore les conséquences aujourd’hui.
« Ce que vous allez voir est une histoire vraie. En tout cas, aussi vraie que possible, Dick Cheney étant l’homme le plus secret de l’Histoire contemporaine », prévient le film en guise d’ouverture. Une façon de dire qu’on connaît assez peu de choses au final sur cet homme dont rien ne prédestinait à « régner » officieusement sur le monde. En effet, dans les années 1960, Cheney est un bagarreur, porté sur la boisson et tout simplement incontrôlable. Après avoir été exclu de Yale et Princeton, sa femme Lynne menace de le quitter. Cette perspective aura une incidence notable sur le jeune Cheney qui fera tout pour ne pas décevoir son épouse et devenir un mari modèle. C’est cette image justement d’homme proche de la perfection et docile qu’il aimera entretenir lorsqu’il rentre à la Chambre des représentants en 1968 comme assistant d’un certain Donald Rumsfeld. Fin observateur, il ne dit rien mais analyse beaucoup, ce qui lui sera utile pour gravir les échelons. Fin négociateur, il comprend très vite qu’il n’est pas forcément nécessaire d’occuper le devant de la scène pour exercer le pouvoir comme bon vous semble. Cheney est froid, calculateur et sillonne progressivement son chemin à coups de séduction, compromis(sions) et petits arrangements pour services rendus.
Mais cette fulgurante ascension ne saurait être complète sans le rôle prépondérant de sa femme, une conservatrice pure jus, véritable colonne vertébrale du clan Cheney. Elle porte littéralement son mari et plus que sa supportrice, elle est d’un soutien indéfectible à ce dernier, au fort caractère. Cet état d’esprit est essentielle pour comprendre la philosophie politique et l’idéologie de Cheney et des néo-conservateurs : grandeur de l’Amérique, défense de ses intérêts et croisade contre les gauchistes et autres défenseurs des minorités. Ce point de vue constitue le fil rouge de l’action de Cheney tout au long de sa carrière politique, ce qu’il défendra mordicus quitte à avoir une interprétation toute personnelle de la Constitution.
Bien rythmé et très caustique, Vice nous décrit comment un homme vu comme un bureaucrate sans envergure parvient à ses fins de façon implacable au plus haut sommet de l’Etat sans que personne ne bronche ou qu’en offusque. Christian Bale incarne à la perfection un Dick Cheney plus vrai que nature bien aidé par une Amy Adams méconnaissable en Lynne Cheney. Un film coup de poing qui en dit long sur le pouvoir et ses coulisses, pas tellement reluisants.
Et restez bien jusqu’à la fin pour ne pas manquer la scène post-générique hilarante (qui fait écho à l’Amérique d’aujourd’hui et des tensions qu’elle traverse)
Vice
Un film de : Adam McKay
Pays : Etats-Unis
Avec : Christian Bale, Amy Adams, Steve Carell, Sam Rockwell, Tyler Perry…
Genre : Biopic, Drame
Durée : 2h13
Sortie : le 13 février
Note : 17/20