L’histoire politique se construit d’anecdotes, de détails qu’on peut trouver insignifiant mais qui on mesure (le plus souvent) tard les conséquences, surtout si elles sont désastreuses, du moins très fâcheuses.
Gary Hart en sait (amèrement) quelque chose. Nous sommes en 1988, année de l’élection présidentielle aux Etats-Unis. Le sénateur du Colorado brigue l’investiture démocrate, après un premier échec face à Walter Mondale, quatre ans plus tôt. Dans un contexte marqué par la fin des années Reagan, le parlementaire est l’espoir de toute une partie de l’Amérique. Charismatique, pédagogue et progressiste, c’est le Barack Obama d’avant l’heure qui séduit les foules et rassemble les jeunes, les communautés ou bien encore les déclassés. Bref, la Maison Blanche lui est promise d’autant qu’il devance nettement George H. Bush, le vice-président sortant et candidat républicain. Cette belle dynamique se brise brusquement lorsque la presse fait état d’une liaison avec Donna Rice, une volontaire qui a rejoint sa campagne. Peu à peu rattrapé par ce scandale, celui qui était favori ne peut qu’assister impuissant à sa propre chute. Une affaire qui marque un tournant dans la course à la Maison Blanche mais pas seulement.
Comme je l’écrivais précédemment, Gary Hart était promis à un très bel avenir politique, lui qui était souvent vu comme le nouveau John Fitzgerald Kennedy. La révélation de sa relation extra-conjugale aura l’effet d’une bombe pour l’intéressé qui sans nier (ni confirmer) considérera qu’il n’a pas à répondre à ce qu’il considère comme une affaire privée et qui, par définition, ne regarde pas les Américains. Il préfère plutôt se concentrer sur l’essentiel, à savoir, parler de l’Amérique et des problèmes de ses concitoyens. Les médias ne l’entendront pas de cette oreille, à une différence près : si les révélations extra-conjugales étaient jusqu’ici le ressort de la presse à sensations, la presse plus « sérieuse » va aussi y mettre son grain de sel estimant qu’à partir du moment où on est responsable politique, candidat de surcroît à la Maison Blanche, on se doit d’être irréprochable. Comment, en effet, parler des valeurs du pays de l’Oncle Sam lorsque derrière vous manquez, pour certains, de probité, quitte à ce que plusieurs lignes rouges soient franchies.
Gary Hart l’apprendra à ses dépens ! Il connaitra surtout ce rouleau-compresseur qu’est la presse, qui le somme de s’expliquer. Une histoire qui fera, une certaine manière jurisprudence, puisque dix ans après, un président en exercice – un certain Bill Clinton – devra lui aussi s’expliquer sur plusieurs affaires extra-conjugales.
En dépit d’un rythme assez lent, The Front runner – mené par un très bon Hugh Jackman – décrit avec justesse la chute brutale d’un homme qui avait tout pour succéder à Ronald Reagan mais qui sans doute, par naïveté, n’a pas été en mesure de contrer les médias. Le film pose également la question ténue à la vie privée : à partir de quel moment, elle n’existe plus lorsque vous briguez les plus hautes responsabilités ?
The Front runner
Un film de : Jason Reitman
Pays : Etats-Unis
Avec : Hugh Jackman, Vera Farmiga, J.K. Simmons, Alfred Molina, Kaitlyn Dever…
Genre : Biopic, Drame
Durée : 1h53
Sortie : le 16 janvier
Note : 13/20