Kevin Spacey est mort, enfin cinématographiquement parlant. Le coup de grâce a été porté par Ridley Scott en milieu de semaine. Le célèbre producteur et réalisateur américain a annoncé qu’il supprimait la présence de l’acteur dans son nouveau film Tout l’argent du monde. Kevin Spacey qui incarnait J. Paul Getty III, un milliardaire irlando-américain qui refuse de payer une rançon au montant colossal en échange de la vie de son petit-fils. L’interprète d’House of cards sera remplacé par le Canadien Christopher Plummer qui rejouera les scènes. Un défi qui ne devrait pas remettre en cause la sortie du film prévue pour décembre prochain.
Cette décision interroge. D’un côté, la suppression de Kevin Spacey est logique dans la mesure où les accusations d’agressions sexuelles dont il fait l’objet se multiplient. L’acteur a déjà été lâché par Netflix qui l’a viré de sa série phare et tout Hollywood semble lui tourner le dos, en témoigne les récentes déclarations de Jon Bernthal. En effet, celui qui lui a donné la réplique dans Baby Driver a été choqué par le comportement de Spacey, jugé comme brutal durant le tournage du film. Ridley Scott, par souci de protéger son film, a au bout du compte pris une décision radicale et n’a donc pas fait dans les sentiments.
Toutefois, si Ridley Scott a voulu protéger son film, c’est aussi pour mieux conserver ses chances dans le box office. Ne soyons pas naïfs, la présence de Kevin Spacey dans Tout l’argent du monde était un gage d’entrées importantes, du moins pouvait susciter l’attrait des spectateurs pour le long-métrage. L’acteur avait une notoriété non négligeable, il fait déplacer des gens et cela pouvait être toujours bon pour les recettes. Mais Spacey est devenu non-seulement un paria mais aussi synonyme de poisse, du moins de potentielle poisse. Maintenir l’acteur à l’affiche (même si son rôle avait été secondaire), c’est prendre le risque que les gens boudent le film ou, pire, que certains en appellent au boycott. Dès lors, la décision du réalisateur peut également se comprendre comme une volonté de sauver ses arrières (surtout qu’il en a la possibilité, ce qui n’est pas le cas d’un cinéaste lambda) et prendre ses responsabilités, business as usual !
Le choix de Ridley Scott n’est pas sans conséquences et divise (déjà) la planète cinéphile. Si certains soutiennent le réalisateur, d’autres ironisent en suggérant de supprimer Kevin Spacey de tous les films dans lequel il a joué dont le désormais culte American Beauty. Moi même, je suis assez partagé par l’initiative dans la mesure où elle créera probablement un précédent peu souhaitable. Car il ne s’agit pas de signifier à un artiste que personne (ou presque) ne souhaite travailler avec lui mais tout simplement de faire comme s’il n’avait jamais existé. Sans d’ailleurs se soucier du résultat final sur le film car si Kevin Spacey avait été initialement choisi par Ridley Scott c’était bien pour quelque chose non ?
Bien évidemment, il ne s’agit pas minimiser les agissements de Kevin Spacey mais plutôt de s’interroger sur les intentions véritables d’Hollywood qui tente – et on le comprend ! – de prendre ses responsabilités en se rachetant une nouvelle virginité, histoire aussi de mettre un terme à toute une série de scandales. Attitude louable certes mais dont on peut craindre les possibles dérives sur le long terme, une sorte de néo-maccarthysme dont les conséquences seraient néfastes pour tout le monde.
Comme disaient les communistes « du passé, faisons table rase ! » Certes, mais c’est toujours à double-tranchant !