Parmi les découvertes de la semaine, un petit saut dans le temps et dans un pays bien connu pour ses banques, son gruyère et son chocolat mais très peu pour son cinéma. Il faut dire que si la Suisse attire nombre d’investissements étrangers et de riches personnes soucieuses de payer moins leurs impôts (pardon ! optimiser leurs impôts), nos voisins alpins valent également le détour sur le plan culturel et cinéma – je pense tout de suite à Lionel Baier et son film Les Grandes Ondes (à l’Ouest) sorti en 2014 –, l’occasion de découvrir des histoires touchantes, plus profondes qu’elles n’y paraissent.
Nous sommes au tout début des années 1970 en Suisse alémanique, la partie germanophone. Dans le canton d’Appenzell, un village près d’Herisau mène une existence paisible malgré les bouleversements du monde. En effet, ni Mai 68, la guerre du Vietnam et encore moins la combat des femmes pour leur émancipation ne semblent remettre en cause la quiétude du village. C’est pourtant dans ce contexte que les habitants sont appelés à se prononcer en faveur ou non du droit de vote pour les femmes à l’occasion d’un référendum prévu en février 1971. Nora est une mère au foyer exemplaire, dévouée à ses deux fils et à son mari. Elle n’imagine pas sa vie autrement même si elle souhaite travailler. Le refus de son mari puis l’agitation autour du futur référendum la conduisent progressivement à mener le combat pour le droit de vote des femmes. Commence alors un combat qui ne la laissera pas indemne.
La Suisse fut l’un des derniers Etats d’Europe à accorder le droit de vote aux femmes. Assez surprenant quant on sait que ses voisins avaient déjà une longueur d’avance. Il faut dire que le conservatisme reste de vigueur dans les montagnes. L’homme demeure supérieur à la femme sur un plan juridique et difficile pour la plupart d’entre elles de s’émanciper, s’affirmer. Car il s’agit bien d’un combat pour l’émancipation et le droit de vote devient un prétexte et non une fin en soi. Obtenir le droit de vote, c’est plus que donner son opinion, c’est également dire « j’existe dans la cité, mon avis est tout aussi valable que celui de mon frère, mon père ou de mon mari ».
Ce combat, Nora le mènera presque par accident. Ce n’est pas une femme politique dans le sens classique du terme, elle est même en retrait de la vie publique, ce qui ne signifie pas qu’elle n’a pas son mot à dire. Mais, en faisant preuve de bon sens et en constatant l’injustice qu’elle et ses semblables subissent quotidiennement, l’engagement prend un tout autre sens. Nora ne se bat pas uniquement pour elle, elle se bat pour sa belle-sœur, les femmes de son village et toutes les autres femmes à travers le monde qui à l’époque revendiquent le droit de disposer d’elles-mêmes et non de la volonté masculine. Nora ne se fera pas que des amis. Elle et ses camarades subiront les moqueries voire l’agression des hommes mais aussi le scepticisme de certaines femmes qui jugent que demander le droit de vote, c’est une attitude subversive. Nora devra également affronter le regard de son époux, lui-même soumis à la pression de la société et de son père. Le combat est rude, il ne se fait pas sans victimes collatérales mais il est juste et même vital, c’est pourquoi elle y croit et n’entend pas renoncer.
Petra Biondina Volpe adresse un vibrant hommage à ces femmes qui n’ont pas hésité à taper du poing sur la table pour tout simplement exister et rappeler à nous, les hommes, qu’elles ne sont pas uniquement épouses, sœurs, mères, à totale disposition. Ce sont avant tout des femmes et non seulement elles l’assument mais le revendiquent. C’est une révolution qui est lancée et elles furent bien décidées à l’imposer même dans ce village paisible de Suisse alémanique.
Les Conquérantes (Die göttliche Ordnung)
Un film de : Petra Biondina Volpe
Pays : Suisse
Avec : Marie Leuenberger, Maximilian Simonischek, Rachel Braunschweig, Sibylle Brunner, Bettina Stucky…
Genre : Comédie, Drame
Durée : 1h36
Sortie : le 1er novembre
Note : 16/20