Cinéma et (non-) consentement

On dit souvent que le cinéma, c’est le reflet de nos pensées et de notre société. C’est du moins ce que je pense. Aussi, certains réalisateurs n’hésitent pas à mettre en avant certaines situations, certaines scènes censées nous faire réagir, en tout cas à nous faire réfléchir. Des scènes qui sont également l’expression de notre époque et autant de messages volontaires ou non transmis au plus grand nombre.

Depuis l’éclatement de l’affaire Weinstein et la multiplication des dénonciations de cas d’harcèlement, d’agression ou de violence sexuelles, la notion de consentement est désormais au centre des débats, en particulier celle de sa représentation. Le cinéma a souvent montré la complexité des relations hommes – femmes à l’écran avec certains clichés ou idées toutes faites. Le plus souvent, le mâle dominant ruse ou impose sa volonté à une femme (souvent jeune et inexpérimentée) qui lui résiste pour finalement céder, puis tomber sous le charme. Cette représentation n’est pas nouvelle en soi et elle s’est même banalisée dans le temps. Les exemples sont légions dans le cinéma hexagonal comme international et – soyons honnêtes – cela ne semblait gêner pas grand monde.

L’affaire Weinstein a remis les pendules à l’heure et proposé une autre grille de lecture. Grille de lecture qui explique le consentement (ou plutôt le non-consentement) a toujours existé dans les films, le plus souvent dans des productions en apparence anodines. Par exemple, je n’aurais pas pensé sur le moment (c’est-à-dire quand j’ai vu le film pour la première fois) que la scène du premier baiser entre Han Solo et la Princesse Leia dans L’Empire contre-attaque pouvait être considérée comme un exemple de non-consentement. Argument après tout valable, au vu de l’actualité immédiate et de l’extrait en lui-même.

Dénoncer le non-consentement et sa représentation est capitale même lorsqu’il s’agit de personnages de premier plan comme James Bond par exemple. Toutefois, cette même représentation n’est pas si claire selon les films, surtout au moment où on voit la scène pour la première fois. Dans L’Auberge espagnole, par exemple, le héros principal, Xavier s’éprend d’Anne-Sophie. Comme vous pouvez le visionner, elle se débat, lui rappelle qu’elle est mariée avant de finalement lui céder. Si sorti de son contexte, il s’agit clairement d’un non-consentement, n’oublions pas le film en lui-même. Xavier, peu avant son rendez-vous avec cette femme d’expatriée délaissée par son époux, avait eu des conseils de la part d’… Isabelle, sa coloc belge, conseils qu’il a visiblement appliqué à la lettre ! Encore une fois, il ne s’agit pas d’excuser le comportement du personnage sans compter que son attitude ne sera pas sans conséquences et qu’il sera d’une certaine manière sanctionné par la suite.

C’est finalement dans des situations anxiogènes que le non-consentement est largement dénoncé. Un extrait me vient à l’esprit, c’est celui des Valseuses où Jean-Claude et Pierrot (respectivement interprétés par Gérard Depardieu et Patrick Dewaere) rencontrent une femme (incarnée par Brigitte Fossey) qui donne le sein à son bébé. Cette scène m’avait particulièrement mis mal à l’aise lorsque j’ai vu le film pour la première fois (pour l’anecdote j’avais 12 ans, et le film était diffusé sur France 2 le 31 août 1997, jour du décès de Lady Di, imaginez l’ambiance !) car on sent bien que la jeune mère est clairement mal à l’aise. Une façon pour Bertrand Blier, le réalisateur, de rappeler que Jean-Claude et Pierrot sont deux loubards, sans foi ni loi et qui se moquent de tout dans la France de Pompidou. Une manière également de rappeler le manque criant de sécurité à bord des trains pour les femmes seules, une situation qui existe encore de nos jours, même si de nets progrès sont à signaler !

Attention ! il ne s’agit pas de dédouaner certaines réalisateurs ou (pire) de minimiser les situations mais se rappeler que chaque réalisateur se fait une représentation en fonction de l’époque où il vit. Sans doute que l’affaire Weinstein permettra de faire évoluer les mentalités dans un sens plus égalitaire tout en laissant aux cinéastes la possibilité de raconter une histoire et ceux qu’ils incarnent – c’est-à-dire les personnages – librement. Car penser que les réalisateurs (du moins certains d’entre eux) minimisent le non-consentement serait un contre-sens, à mon avis. L’époque doit changer, à la nouvelle génération de changer le cap.

 

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