Le cinéma de Tonie Marshall est-il un cinéma engagé ? Je n’ai pas vu l’ensemble de ses films pour me faire une opinion là-dessus mais une chose est sure : son dernier long-métrage n’est pas avare de messages et devrait ravir les associations ou groupes féministes de tout poil.
Numéro Une raconte l’histoire d’Emmanuelle Blachey, ingénieure brillante et haut-cadre chez le leader français de l’énergie. C’est une mère de famille, plutôt épanouie (enfin qui essaie de l’être), et qui ne compte plus ses heures de boulot. Au sein de son entreprise, elle est l’une des rares femmes (pour ne pas dire la seule) à intégrer le comité exécutif, ce qui est rare pour être souligné. Lors d’un déplacement à Deauville, à l’occasion du Forum mondial des femmes, elle est approchée par un réseau d’influence, composée exclusivement de femmes. Ce groupe souhaiterait qu’elle se porte candidate à la présidence d’un grand groupe du CAC 40. Après quelques hésitations, Emmanuelle se laisse porter au jeu, sans se douter des coups bas à venir.
Nous sommes en 2017 et si la condition de la femme s’est fortement améliorée, des défis subsistent. Elles sont, par exemple, payées jusqu’à 25% de moins que les hommes à poste et compétences égaux et rares sont celles qui dirigent une grande entreprise comme Anne Lauvergeon (pour Areva) ou une institution publique nationale (comme Elisabeth Borne, à la Régie Autonome des Transports Parisiens (RATP) jusqu’à tout récemment) ou mondiale (Christine Lagarde, pour le FMI). Autant dire que les combats demeurent et c’est que présente en filigrane le film de Tonie Marshall. Face à des hommes qui ne céderont rien et feront tout pour que l’un des leurs (c’est-à-dire, la quarantaine, issu des grandes écoles et blanc de préférence) prenne la tête de cette entreprise du CAC 40, la lutte promet d’être sans pitié. Tout semble bon pour déstabiliser chacune des deux parties, et Emmanuel l’apprendra à ses dépends, entre remarques sexistes, intimidations et autres menaces. Mais si elle veut être Numéro Une, elle et ses soutiens, devront se mouiller et mettre les mains dans la boue afin de mieux discréditer l’adversaire.
Dit comme cela, on s’attend à ce Numéro Une soit un film bourré de suspense, de coups bas et autres magouilles. Sur ce point, Tonie Marshall répond présent, mais en partie seulement. En effet, moi qui m’attendais à quelque chose de corsé au niveau du scénario comme du montage, le film pêche finalement par un manque d’ambition, comme si on se retenait de donner des coups. C’est un peu plat, on manque de s’ennuyer sec mais le rythme et l’ambiance (similaire à une série télé produite par TF1) permet de maintenir la spectateur en alerte. C’est un peu dommage surtout lorsqu’on a vu la bande annonce, très convaincante et malgré la prestation plus correcte d’Emmanuelle Devos ainsi que le rôle de soutien de Suzanne Clément.
Oui c’est bel et bien dommage surtout qu’en réalité, les deux camps sont tous aussi enclins à passer des deals secrets qu’à s’affronter. Quant au message, je suis perplexe : Emmanuelle est-elle mise en avant pour ses compétences (et donc elle devient un symbole) ou au uniquement au service de la cause des femmes ? Vous avez 1 heure et 50 minutes pour répondre à cette question
Numéro Une
Un film de : Tonie Marshall
Pays : France
Avec : Emmanuelle Devos, Suzanne Clément, Richard Berry, Sami Frey, Benjamin Biolay…
Genre : Tonie Marshall
Durée : 1h50
Sortie : le 11 octobre
Note : 12/20