Depuis 38 ans, l’Iran vit une situation très particulière. Le régime des ayatollahs demeure en place et cadenasse la société. Difficile pour un Iranien ou une Iranienne d’écouter librement de la musique, de se promener avec sa compagne ou encore de penser ce qu’il pense, sous peine d’avoir de gros problèmes avec les Gardiens et autres dignitaires de la Révolution. Alors tout se fait de manière clandestine, même le sexe.
Téhéran tabou raconte l’histoire de trois femmes et d’un jeune homme dans cette mégapole dynamique mais aussi corsetée par les interdits. Quatre destins différents qui tentent de briser les interdits et tenter de vivre. On a tout d’abord, cette mère célibataire qui pour survivre et donner une éducation à son fils muet, vend son corps aux hommes et autres dignitaires du régime. Prise en charge par un de ses clients – le juge d’un tribunal islamique – elle rencontre sa voisine, une jeune mariée qui rêverait de travailler mais qui doit obtenir l’autorisation de son mari. Non loin de là, un jeune homme compositeur qui aimerait vivre de sa musique, censurée par le régime pour « atteinte aux principes de la Révolution ». Quelques temps auparavant, il avait rencontré une jeune fille dans une boite de nuit clandestine. Après avoir fait l’amour, elle lui annonce qu’elle était en réalité vierge et qu’elle se doit se marier. Pour éviter que le scandale n’éclate, le jeune homme doit trouver de quoi payer une opération de reconstruction de l’hymen.
Quatre personnages, quatre profils différents, quatre catégories et milieux sociaux pour un même point commun : celui de vivre ses désirs dans une société noyée par la Révolution islamique. Au-delà de vivre sa sexualité et de vivre tout simplement, Téhéran tabou souligne les contradictions de la société iranienne. La vertu est une valeur cardinale, ce qui n’empêche une forte hypocrisie de la part de certains. Je pense notamment à ce juge, client régulier de notre mère prostituée. Il est censé appliquer à la lettre la loi islamique et les préceptes de la Révolution, ce qui ne l’empêche pas d’user de son pouvoir et fréquenter des filles de joie. Les tabous également ont un impact sur la jeunesse obligée de se cacher pour vivre ses passions. Hommes et femmes se rencontrent clandestinement, c’est aussi une manière de défier le régime. Tout comme cette volonté de travailler pour notre jeune mariée. Elle n’est pas motivée par l’argent mais souhaite tout simplement s’émanciper à la fois de son mari de banquier mais aussi de ses beaux-parents qui semblent la considérer comme la femme à tout faire du foyer en attendant que monsieur rentre d’une dure journée de labeur.
Téhéran tabou est tourné sous forme d’un film d’animation, sans doute pour contourner la censure et protéger les acteurs qui ont pris part au projet. Le résultat est cependant plus que convaincant et parfois, certaines situations prêtent à rire. C’est sans doute pour désamorcer un peu l’ambiance pesante et la gravité de l’histoire. Au delà du désir charnel et sentimental, existe un encore plus fort, celui de la liberté.
Téhéran Tabou (Tehran Taboo)
Un film de : Ali Soozandeh
Pays : Iran/Allemagne
Avec : Elmira Rafizadeh, Zahra Amir Ebrahimi, Arash Marandi, Negar Nasseri, Bilal Yasar…
Genre : Animation
Durée : 1h36
Sortie : le 4 octobre
Note : 15/20