Le Centre National du Cinéma et de l’Image Animée (CNC) a-t-elle une « vision sur commande » de la banlieue ? C’est la question que pose en filigrane Alain Etoundi alias « Biff ». Dans un court-métrage posté le 8 septembre dernier sur YouTube, le cinéaste dénonce les difficultés qu’il rencontre pour financer son projet Un frère comme moi, conséquence de la frilosité du CNC, mais également de la Région Ile-de-France.
Les propos sont sans équivoques et Biff veut mettre le doigt là où ça fait mal. Selon lui, les argentiers majeurs du cinéma français ont une vision conservatrice et/ou binaire de la banlieue et des gens qui y vivent. Le plus souvent, ce sont des jeunes délinquants, des jeunes filles qui peinent à trouver leur place dans la société ou des personnes qui, certes, réussissent tout en reniant leurs racines. Un point de vue manichéen que dénonce assez vertement le cinéaste qui ajoute, par la voix d’un de ses acteurs : « La plupart de vos films sur la banlieue sont désuets. Vous aimez valider des films de pseudo kaïras dans lesquels il faut renier ses origines, salir sa religion, dénigrer sa communauté. Un Noir qui ne danse pas et qui ne rigole pas, drôle de lascar. »
Il n’est jamais évident de parler de la banlieue au cinéma sans tomber dans la caricature ou le misérabilisme mais également la belle image d’Epinal qui vous ferait (presque) oublier qu’il existe des problèmes dans ce qu’on appelle « novlanguement » les quartiers. Reste à savoir comment ces films sont perçus à la fois des habitants des cités mais aussi de ceux qui vivent dans des zones dites « favorisées ».

Ayant vécu dans une cité durant la majeure partie de ma vie, c’est toujours avec curiosité que je vais voir un film sur la banlieue et/ou les banlieusards. On pense bien évidemment à La Haine de Matthieu Kassovitz, long-métrage désormais culte et qui frappait déjà dur à l’époque. D’autres films plus récents ont subtilement tiré leur épingle du jeu comme Bandes de filles de Céline Sciamma ou encore Divines de Houda Benyamina, sorti l’année dernière. Ces deux longs, aux histoires bien différentes, ont non seulement été saluées par la critique mais ont fait émerger de nouvelles révélations telles que Oulaya Amamra ou encore Karidja Touré.
Sans doute que le scénario d’Un frère comme moi était jugé polémique pour que le CNC et la Région Ile-de-France refusent de financer le projet et il ne faut pas oublier qu’en période de compressions budgétaires, les institutions publiques sont contraintes de faire des choix, et donc de mettre de côté des scénarii qui mériteraient pourtant d’être sur grand écran. Pourtant, si le coup de poing de Biff est un peu trop violent à mon goût – en effet, je ne suis pas sur que dire « allez vous faire enfilmer ! » soit le meilleur moyen pour être entendu – il pose malgré tout la question qui fâche : celle d’une représentation alternative de la banlieue qui ne soit ni caricaturale, ni panégyrique.
Car si, à mon sens, le cinéma est le reflet de notre société, encore faut-il que chacun s’y retrouve. Or, force est de constater que ce n’est pas (encore) le cas, malgré les récents longs-métrages que j’ai évoqués plus haut. Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un coup d’œil à la programmation proposée dans certains multiplexes, programmation qui pourrait se résumer par : « dis-moi où tu vis, je te dirai ce que tu peux regarder ! » C’est ainsi, par exemple, que je n’ai jamais compris pourquoi A voix haute, la force de la parole, sorti en avril dernier au cinéma, n’avait pas été proposé dans les trois UGC de Seine-Saint-Denis. Bien dommage quand on sait que ce documentaire était impressionnant de caractère et donnait une vision positive de la banlieue dans laquelle tout le monde pouvait s’y retrouver.
Comme quoi, le choix d’un distributeur ou un financier n’est jamais neutre au cinéma !