Netflix n’en finit pas de faire parler de lui et de susciter les passions. Hier, lors de la projection presse d’Okja, le nouveau film du Coréen Bong Joon Hoo, certains journalistes avaient sifflé le logo de la plateforme américaine lors du générique de début. Et manque de pot, suite à un problème technique, le film avait du être interrompu quelques minutes avant de reprendre son cours. Ce désagrément n’a visiblement pas eu d’incidence sur l’œuvre, les critiques étant très positives.

Netflix divise clairement les professionnels du cinéma ainsi que les cinéphiles. En effet, les deux films produits et/ou financés par le média en ligne et postulant pour la Palme d’Or n’ont pas – à cette heure – de date de sortie prévue en France. Autrement dit, ils seront directement disponibles sur le site, ce qui agace profondément certains qui jugent le procédé absurde mais surtout dangereux. Du côté du Jury comme de la Direction du Festival, les voix ne sont pas plus unanimes. Si Pedro Almodovar aurait souhaité que les films Netflix soient directement projetés sur grand écran au lendemain de la compétition, Will Smith se montre un peu plus conciliant en revanche. Pour l’acteur américain, ce nouveau mode de consommation permet de voir des œuvres auxquelles on n’aurait pas pensé et donc de découvrir d’autres genres. Les modes évoluent et il faut anticiper puis accompagner le mouvement plutôt que de le subir.
Après avoir longtemps snobé Netflix – je n’en voyais absolument pas l’intérêt pour être franc – je me suis finalement laissé tenter, à la fin de l’année dernière. Au départ, c’était pour un but bien précis : suivre une série (française qui plus est) dont on me parlait tant au boulot, Marseille réalisée par Florent Emilio-Siri et dans laquelle on retrouve des acteurs majeurs comme Gérard Depardieu, Benoit Magimel ou encore Géraldine Pilhas. Puis, curieux par nature, j’ai consulté le catalogue du géant américain. Un constat s’est imposé à moi : il est vaste, diversifié et surtout innovant.
Car Netflix ne se contente pas de proposer des films ou des séries directement destinées à être diffusées en ligne, il produit et/ou finance des long-métrages de grande qualité, et ce qui fait sa force à mon sens. Qu’ils soient d’auteurs ou grands publics, il ne s’agit d’œuvre de seconde zone. La qualité du synopsis comme de la réalisation importent, ce qui semble convaincre des acteurs et réalisateurs de renom à travailler avec la boite américaine. Une stratégie qui semble payante puisque un Festival comme Cannes, en sélectionnant deux productions Netflix, met en avant le sérieux et le travail de l’œuvre plus que toute chose.
Qui plus est, la plateforme sert souvent d’accueil pour des films qui peinent à sortir en salles, et pas uniquement en France. Le marché étant concurrentiel, Netflix s’est imposé comme une alternative intéressante et plus pertinente que les sites spécialisés de Vidéo à la demande (VOD). Par exemple, Iris de Jalil Lespert, avec Jalil Lespert, Charlotte Lebon et Romain Duris, diffusé directement au ciné chez nous en 2016, a débarqué dans le catalogue de Netflix Canada, ce mois-ci, comme Sing Street de l’Irlandais John Carney au Pérou, quelques mois auparavant. Le destin d’un film dépendant pour beaucoup de son potentiel en salles, cette solution s’est rapidement imposée car arrangeant pas mal de monde : le spectateur qui minimise les risques tout comme le distributeur.
Ce pragmatisme en inquiète plus d’un estimant que Netflix, Amazon et Cie sont des concurrents directs et frontaux aux circuits de cinéma traditionnels. J.J Abrahms, cinéaste américain mondialement connu, s’est même risqué à prédire la fin du cinéma sous sa forme traditionnelle. En effet, pourquoi s’embêter à aller dans une salle lorsqu’il suffit de se connecter sur son téléphone, sa tablette ou sa télé pour regarder un film, à n’importe quel moment ?
Loin d’être un ennemi, Netflix est en réalité complémentaire. Pour ma part, mon abonnement ne m’a jamais empêché de me rendre dans une salle obscure de manière intensive, bien au contraire ! Car il ne faut pas se leurrer ! Une expérience ciné n’est absolument pas la mienne que devant son petit écran, bien affalé sur son canapé. Le cinéma, c’est avant un plaisir collectif, on y va pour trouver des sensations qu’on ne peut trouver ailleurs. Un élément qui, à mon sens, suffit pour rester optimiste quant à l’avenir des salles. Après tout, qu’est-ce qu’on ne disait pas à l’arrivée des VHS puis des DVD ?
Sans compter que des garde-fous subsistent très favorables à l’industrie cinématographique et aux chaînes de télé qui financent. Par exemple, Netflix France ne peut proposer dans son catalogue un film sorti il y a moins de trois ans, ce qui profite à Canal Plus et les chaines historiques. Quant au Festival, pour se prémunir de la polémique actuelle, il a modifié son règlement. A partir de 2018, tout film produit par Netflix, Amazon et cie, et concourant pour la récompense ultime, devra prévoir une sortie en salles. De quoi rassurer certains… ou pas !