Mathieu Amalric est un acteur-réalisateur que j’aime bien, pour sa voix grave et son côté mystérieux. Un homme parfait pour jouer des personnages tourmentés, envahis par leurs démons, ne sachant plus où aller. Et lorsqu’il y a des femmes non loin, cela complique les choses.
Dans le nouveau film d’Arnaud Desplechin, diffusé en ouverture du Festival de Cannes, le voici, une fois encore, dans une relation amoureuse compliquée, ou plutôt un trio compliqué. Il incarne Ismaël, un cinéaste qui prépare son nouveau film. Il vit depuis deux ans avec Silvia, une astrophysicienne. Un amour plutôt parfait qui est remis en cause lorsque Carlotta fait son apparition. Carlotta n’est pas n’importe qui : c’est la femme d’Ismaël, disparue il y a plus de vingt ans. Son retour provoque des remous dans la vie plutôt lisse du réalisateur qui est soudainement déboussolé et qui dont les conséquences ne se font pas tarder à se faire sentir.
Arnaud Desplechin aime faire dans les films compliqués, obligeant le spectateur à se poser et creuser ses méninges. Alors, attention il ne s’agit pas d’une critique, c’est juste un constat qui m’amuse. Après Comment je me suis disputé… (ma vie sexuelle) en 1996, Jimmy P. en 2013, et Trois souvenirs de ma jeunesse sorti l’année dernière (et pour lequel, il a reçu le César du meilleur réalisateur), le cinéaste retrouve une nouvelle fois son acteur fétiche, tiraillé à plusieurs titres entre deux femmes radicalement opposées. Si Silvia est une femme plutôt fragile, en retrait et Carlotta se distingue par une certaine désinvolture. En effet, elle revient après plus de vingt ans sans donner de nouvelles à son mari, comme si c’était tout à normal pour elle. Une attitude qu’Ismaël lui fera comprendre en lui indiquant qu’elle ne peut revenir impunément dans sa vie, lui qui a tant souffert de sa disparition. En réalité, Carlotta, c’est les fantômes de son passé, de son existence qui réapparaissent au point où Ismaël n’est pas loin de la folie, ce qui se ressent sur la réalisation de son film qui se transforme en véritable chemin de croix. Le tout sous le regard assez impuissant de Silvia, spectatrice de cette tragédie mais qui compte malgré tout, marquer son territoire. S’engage entre les deux femmes mais aussi avec Ismaël, une relation assez spéciale voire malsaine à certains moments, entre bienveillance, attirance et haine à peine dissimulée. Et si Carlotta n’était finalement pas celle qu’elle prétend être ?
Film bien travaillé mais pour lequel il faut rester attentif, Les Fantômes d’Ismaël aime à brouiller les pistes comme l’esprit du spectateur. Pour la première fois, Charlotte Gainsbourg et Marion Cotillard sont réunies pour la première fois à l’écran, pour un résultat plus que convaincant. Leurs deux personnages s’affrontent à merveille et conservent une sensualité assez déroutante, comme le montre si bien une scène où la seconde est nue comme un ver, ce qui dégage une certaine tension, collant parfaitement avec l’atmosphère du film.
Les fantômes d’Ismaël
Un film de : Arnaud Desplechin
Pays : France
Avec : Mathieu Amalric, Marion Cotillard, Charlotte Gainsbourg, Louis Garrel, Alba Rohrwacher, Hippolyte Girardot…
Genre : Thriller, Drame
Durée : 1h57
Sortie : le 17 mai
Note : 13/20