Il y a quelques jours, une centaine d’artistes et d’acteurs dont Léa Seydoux, Denis Polalydès, Jeanne Moreau, Vincent Macaigne, Anaïs Demoustier, Guillaume Gouix ou encore Valeria Bruni-Tedeschi a publié une tribune appelant à faire barrage au Front national.
L’initiative semble diviser. Si certains saluent la mobilisation du monde du cinéma et du spectacle à quelques trois semaines du premier tour de la présidentielle, prévu le 23 avril, d’autres s’interrogent sur la pertinence d’une telle mobilisation, voire sur son côté productif. Il faut dire que si l’intention est louable, certes à savoir si elle aura un impact sur les citoyens lambda, à l’heure (redoutée) du choix.
Alors que le Front national et sa candidate, Marine Le Pen, semblent plus que jamais aux portes de l’Elysée, le cinéma et ceux qui l’incarnent prennent une nouvelle fois leurs responsabilités et dénoncent un mouvement d’extrême droite dont ses projets et son idéologies menaceraient directement la liberté d’expression et de création dans l’Hexagone. En mars dernier déjà, la sortie du film Chez nous, du cinéaste belge, Lucas Belvaux avait fait beaucoup parler, les cadres du FN dénonçant une opération très orientée en pleine campagne électorale. A Saint-Cloud (Hauts-de-Seine), le Maire (LR), Eric Berdoati, avait annoncé, le 14 février, la déprogrammation du film dans sa commune. De son côté, le réalisateur avait volontiers assumé son projet, l’objectif étant de favoriser, à travers l’histoire d’une infirmière libérale, tête de liste dans une commune du Pas-de-Calais, le débat.
Comme je l’ai écrit plus tôt, si l’initiative est louable, elle est à double-tranchant. Si en effet, il est toujours bon de rappeler que le FN est un parti xénophobe et autoritaire, il n’en demeure pas moins que ce discours passe de moins en moins au sein d’une certaine catégorie de la population française. Dans un contexte marqué par un chômage galopant et une situation économique tendue, la tentation du vote Marine Le Pen reste forte et ce n’est pas malheureusement pas un appel signé par des acteurs qui pourrait changer la donne.
Pire, la démarche peut s’avérer contre-productive dans la mesure où elle pourrait être mal interprétée. Après tout, les acteurs en particulier ceux qui sont au haut de l’affiche tels que Léa Seydoux, Jeanne Moreau ou encore Denis Polalydès, pourraient être considérés par certains de nos compatriotes comme des nantis, des personnes pour qui tout se passe bien, ne vivent pas les difficultés des Français et qui jouent les père-la-morale, oubliant au passage d’attaquer le FN également sur le fond de son programme, notamment sur le volet culturel. Cet appel de l’intelligentsia culturelle pourrait être vue comme une offense par quelques électeurs.

D’autant que si la barrière entre le FN et le monde du cinéma reste solide, quelques brèches sont à constater. Depuis quelques années, quelques personnalités telles que Brigitte Bardot, Alain Delon ou récemment Franck De Lapersonne n’hésitent plus à exprimer leur préférence à Marine Le Pen ou à s’afficher avec ses lieutenants, tels que Florian Philippot, Député européen et conseiller régional Grand Est. Même si on parle d’acteurs à la retraite ou de seconde zone, il n’en demeure pas moins que ces ralliements ou autres soutiens restent symboliques, signe que le FN arrive quand même à obtenir quelques entrées. Et s’il est primordial de dénoncer le caractère originel de ce parti, le monde du cinéma doit également un travail de fond, travail qui reste insuffisant à l’heure actuelle, malgré certains projets.