Je ne vous apprends rien, nous sommes en pleine campagne présidentielle (quoique, des fois j’ai l’impression du contraire) et dans deux mois tout juste, nous serons amenés à nous rendre aux urnes pour départager celles et ceux qui prétendent à la succession de François Hollande. C’est dans ce contexte, un peu spécial, que le Belge Lucas Belvaux nous propose une histoire pour le moins singulière.
Pauline Duhez est infirmière libérale, mère célibataire de deux enfants et habitante de Hénart, une commune du Pas-de-Calais, depuis toujours. Fille d’un mineur communiste, c’est une femme dévouée, respectée et appréciée de ses patients, une parfaite ch’ti. La candidate idéale pour le Peuple Patriotique à l’occasion des prochaines municipales. Approchée par le médecin de la famille, Philippe Berthier, un militant de la première heure, la jeune femme se laisse convaincre et se rapproche d’Agnès Dorgelle, la patronne du mouvement. Là voilà propulsée en politique sans se douter des conséquences de son engagement.
Vous connaissez la formule suivante : « Toute ressemblance avec des personnages ou faits ayant existé serait fortuite ». Chez nous, c’est tout le contraire et on devine très clairement que derrière Hénart, le Parti patriotique et Agnès Dorgelle, se cachent respectivement Hénin-Beaumont, le Front national et Marine Le Pen. Une similitude qui avait fait hurler les caciques du parti de la flamme tricolore qui ne se sont pas gênés pour dézinguer le film, dénonçant qu’il soit financé avec de l’argent public et qu’il sorte à deux mois du premier tour de la présidentielle.
Qu’ils se rassurent (du moins en partie !) car Chez nous n’est pas le brûlot anti-FN que certains attendaient, c’est en réalité plus subtil. Le film s’attaque au portrait de Pauline, incarnée par la toujours aussi belle Emilie Dequenne, une femme sans histoires, plutôt simple qui se retrouve subitement en politique. En parfaite novice, elle est facilement manipulable par un parti qui, en quête de légitimité et de respectabilité, cherche à jouer les « Monsieur Propre ». Le Front nat… (pardon Peuple patriotique) joue la carte du professionnalisme. Fini le discours à l’emporte-pièce, place aux éléments de langage ! Fini l’amateurisme, place aux conseillers en communication sortis tout droit de Sciences Po et/ou de l’ENA ! Pauline sert (uniquement) de porte-étendard, elle est du coin et sert à faire bien sur les affiches.
Mais si le Peuple patriotique cherche à se bonifier, ces idées les plus rances ne disparaissent pas pour autant, bien au contraire. C’est ce que Lucas Belvaux a souhaité rappeler dans son film avec le personnage de Stéphane, un ultra-nationaliste et le comportement plus ambigu du Docteur Berthier qui derrière son image de notable, n’a en réalité pas tellement coupé les ponts avec les fondamentaux de l’extrême droite. Malgré quelques situations cocasses et un peu caricaturales, Chez nous assume et veut pousser au débat. Le réalisateur le reconnaît lui-même, lui qui voulait que son film sorte juste avant la présidentielle, histoire que les gens puissent se faire une opinion mais également se rendre compte que l’extrême droite, plutôt que se banaliser, est en réalité devenu un parti comme un autre où les jeux de pouvoirs et la manipulation sont légions. Ce qui ne le rend pas plus sympathique et acceptable.
Chez nous
Un film de : Lucas Belvaux
Pays : Belgique
Avec : Emilie Dequenne, André Dussollier, Guillaume Gouix, Catherine Jacob, Anne Marivin…
Genre : Drame
Durée : 1h58
Sortie : le 22 février
Note : 13/20