Marie-Castille Mention-Schaar a deux avantages selon moi. Elle est engagée (et l’assume sans problème) et elle maitrise son sujet, ce qui rend ses films particulièrement intéressants et puissants. En 2014, j’avais été séduit par Les Héritiers et l’histoire formidable de lycéens réputés faibles scolairement qui participent au Concours national de la Résistance et de la Déportation. Alors lorsque j’ai découvert la bande annonce de son nouveau film, pas de doute, j’allais m’attendre à quelque chose d’aussi fort sinon plus !
Changement de contexte avec Le Ciel attendra qui retrace le destin de deux ados : Sonia, 17 ans, a failli se rendre en Syrie et commettre l’irréparable. Interceptée in extrémis à l’aéroport, elle est placée sous contrôle judiciaire et doit réapprendre à vivre, elle qui n’obéit qu’à la loi d’Allah. Mélanie, 16 ans, vit avec sa mère qui tient un salon de coiffure à Créteil. Elle est bonne élève, très investie dans l’associatif et rêve de changer le monde. Suite à un drame personnel, elle rentre en contact avec un « prince » sur Interner dont elle tombe amoureuse. Le jeune homme la coupe progressivement de son monde et Mélanie se radicalise de plus en plus.
Vous l’aurez compris, le thème évoque un sujet tristement d’actualité, la radicalisation de certains jeunes qui, révoltés par ce qu’ils constatent, ne souhaite qu’une chose : partir faire le djihad en Syrie sous l’œil désemparé des parents. Ces derniers se sentent coupables de n’avoir rien vu venir et surtout de ne pas avoir pu extraire leur enfant d’un embrigadement qui semble irréversible.
Marie-Castille Mention-Schaar ne distribue pas les bons et mauvais points, elle veut avant comprendre. Comprendre pourquoi et comment des adolescentes sans histoire se radicalisent du jour au lendemain. A ce titre, son regard est intéressant et porte sur le parcours croisé de nos deux protagonistes, incarnés avec force par Noémie Merlant et Noami Amarger. Tandis que Sonia tente de s’en sortir et de défaire de sa radicalisation, Mélanie s’enfonce dans un processus à l’issue inévitable, comme si rien ne pouvait l’arrêter. Face à la souffrance de l’une et la dérive de l’autre, le spectateur est hagard, pour ne pas dire impuissant.
C’est le sentiment qui m’a d’ailleurs animé tout au long du film, à l’instar des parents qui se retrouvent complètement déboussolés face à une progéniture qu’ils ne reconnaissent plus. Les parents occupent au passage une place très importante dans l’histoire, comme le rappelle la scène d’ouverture. A ce propos, mention spéciale à Clotilde Courau qui incarne avec gravité la mère de Mélanie, à la hauteur de la tonalité du film.
Pour autant, tout n’est pas (forcément) noir, Le Ciel attendra voulant ouvrir des brèches vers l’espoir notamment lors de la dernière scène. Un espoir que l’on retrouve également chez Dounia Bouzar. Fondatrice en avril 2014 du Centre de Prévention contre les Dérives Sectaires liées à l’Islam (CPDSI), elle joue son propre rôle dans cette histoire qui ne doit laisser personne indifférent.
Le Ciel attendra a une saveur particulière non en raison de son sujet mais de son contexte : son tournage commença seulement trois jours après les odieux attentats du 13 novembre. Malgré l’évidente charge symbolique, la réalisatrice ne tombe jamais dans la caricature. Il y a pas à dire, Marion-Castille Mention-Schaar maitrise son sujet
Le Ciel attendra
Un film de : Marie-Castille Mention-Schaar
Pays : France
Avec : Sandrine Bonnaire, Noémie Merlant, Clotilde Courau, Zinedine Soualem, Naomi Amarger…
Genre : drame
Durée : 1h44
Sortie : le 5 octobre
Note : 16/20