Le cinéma belge est à l’instar du plat pays. On le connaît sans le connaître véritablement. Je veux dire par là qu’il reste méconnu même si depuis quelques années, il commence à s’affirmer et à se distinguer. Un cinéma assez spécial, fort dans sa manière d’aborder un sujet, d’adopter un point de vue.
Un cinéma ou plutôt des cinémas belges car comme dans le reste (ou presque), le septième art oscille entre œuvres wallonnes et flamandes, ce qui constitue à la fois un atout comme un inconvénient.
Un atout en particulier pour le cinéma flamand qui s’affirme et s’exporte de plus en plus grâce en partie à la stratégie menée par le Vlaams Audiovisuaal Fonds (VAF – Fonds audiovisuel flamand), chargé de financer les films néerlandophones et les faire connaître à l’étranger. Un cinéma différent comparé à ce qui est proposé en Wallonie et pas seulement à cause de la langue. Le cinéma flamand offre quelque chose de singulier, très penché dans le dramatique, le mélancolique comme le montre bien les derniers longs que j’ai vu comme Alabama Monroe ou encore Belgica de Felix Van Groningen. Un cinéma qui tranche avec celui qu’on trouve en Wallonie plus centré sur l’humour (belge ?) avec Jaco Van Dormael mais aussi sur la société et ses tourments, les frères Dardenne restant la référence. A ce jeu-là, la Flandre a clairement tiré son épingle du jeu, par rapport à la Wallonie grâce notamment à une véritable politique culturelle et de promotion du cinéma flamand à travers le VAF, le Vlaams Audiovisuaal Fonds.

Ces différences ont cependant un coût en terme d’image. Si le cinéma flamand tire effectivement son épingle, il reste confronté à un obstacle de taille : la langue. Pour se faire connaître, les réalisateurs et acteurs néerlandophones n’ont pas d’autres choix que de tourner en français voire, le plus souvent en anglais, synonyme de reconnaissance et d’aura à l’international. Michaël R. Roskam et Matthias Schoenaerts l’ont bien compris, eux qui tournent de plus en plus dans la langue de Shakespeare. Côté francophone, si la langue de Molière devient un sérieux atout pour nombre de réalisateurs et d’acteurs, la proximité avec la France a un effet pervers au détriment du cinéma wallon. Nombre de productions françaises profitent grandement des largesses fiscales de la Belgique via la taxe Shelter, une taxe fédérale qui exonère en grande partie d’impôts. Conséquence, la Belgique francophone investit dans des co-productions car moins cher, et surtout plus rentable. Qui plus est, difficile de résister à l’attrait de Paris quand vous êtes un acteur francophone, la France étant synonyme d’accélérateur de carrière. Cécile de France, Benoit Poelvoorde, Marie Gillain, Jérérmie Renier, Emilie Dequenne, Deborah François l’ont eux aussi bien compris et deviennent des habitués des films français au point qu’on en oublie qu’ils sont Belges.

Résultat, le cinéma belge a bien du mal à exister réellement, ce qui est bien dommage quand on sait qu’il a une touche particulière, qu’elle soit francophone comme néerlandophone. La faute sans doute à un système politique qui a n’a pas épargné la culture (et le financement qui va avec) en la démantelant quasi-entièrement en l’espace de quelques années et en la communautarisant ensuite. Pourtant, (comme dans le reste ou presque) Francophones et Néerlandophones auraient tout intérêt à se rapprocher et promouvoir ensemble le cinéma d’outre-Quiévrain. Et si des initiatives existent, si un gars comme Bouli Lanners peut sans problème tourner dans un film flamand et un gars comme Wim Willaert faire de même dans un film francophone, les faits restent têtus, signe qu’il faudra encore du boulot en la matière. En attendant, c’est le moment de découvrir cette fameuse Belgian Touch qui me séduit de plus en plus ces temps-ci avec Keeper de Guillaume Senez et Belgica sortis en salles il y a quelques semaines en attendant Les Ardennes de Robin Pront qui sort ce mercredi prochain.
A suivre : l’autre cinéma belge