J’ai une admiration pour le Canada et pour le Québec en particulier. Que cela soit pour sa nourriture, son cadre de vie, sa culture et ses films notamment. Aussi, c’est toujours avec curiosité et intérêt que je m’informe de l’actualité cinéma de La Belle Province.
Mais depuis quelques jours, une polémique fait rage et risque d’ébranler pour longtemps le cinéma québécois. Québec cinéma envisage de renommer les Prix Jutra ainsi que la Soirée qui porte le même nom suite à la parution d’une biographie consacrée à Claude Jutra, grand cinéaste à l’origine de ce prix prestigieux qui récompense notamment une première réalisation cinématographique. Biographie dans laquelle, il est révélé que l’artiste québécois avait des penchants pédophiles, l’homme aimant « sortir » avec des garçons de 14/15 ans, voire plus jeunes.
L’affaire fait grand bruit chez nos cousins et n’en est qu’à ses débuts. Il faut savoir que les Jutras sont au cinéma québécois ce que les Césars sont au cinéma français, une cérémonie prestigieuse. Claude Jutra est l’homme qui a durablement marqué le 7ème art québécois de son empreinte et fait partie intégrante de la culture et de l’identité québécoise. Trente ans après sa mort, des rues portent même son nom dans certaines villes du Québec, signe de l’influence et de la présence qu’il a apporté.
Autant dire que ces révélations sur le passé de Jutra pose un énorme embarras, certains artistes et auteurs étant immédiatement montés au créneau pour que la soirée qui célèbre le cinéma québécois ne portent plus son nom et soit donc rebaptisée. Si la ministre québécoise de la Culture, Hélène David, s’est voulue prudente quant aux allégations (pour finalement exprimer son indignation et demander que les Prix ne portent plus le nom du cinéaste controversé), d’autres s’offusquent du fait que Claude Jutra n’ait tout simplement pas été dénoncé, voire ait bénéficié d’une sorte d’omerta jusqu’à sa mort.
Il faut dire que Claude Jutra n’est pas n’importe qui, car considéré comme « le père » du cinéma québécois, celui qui a permis à ce dernier de se développer et surtout marquer sa singularité. Claude Jutra, c’est l’homme à la cinématographie monstrueuse et impressionnante et ses révélations sur son passé pédophile passent très mal dans une province qui a porté aux nues un homme qui a beaucoup apporté à la culture québécoise. Son abolition du nom qui portait son nom jusqu’à présent est quelque peu un crève-cœur mais une décision finalement logique et lourde de symboles.
Car en supprimant Claude Jutra et en le bannissant de l’espace public et du monde cinématographique, c’est un peu de l’identité québécoise que l’on supprime. Décision radicale mais finalement logique tant les allégations sont non seulement fondées mais surtout graves, ternissant l’image d’un homme culturellement exceptionnel. C’est comme si en France, on supprimait César (bien qu’il ne soit pas cinéaste) de la cérémonie qui porte son nom car convaincu de pédophilie, il va sans dire que l’onde de choc serait énorme… ou pas !
D’ici là, Québec cinéma n’aura que quelques semaines pour trouver un autre nom aux Jutras, espérant tourner la page d’un scandale dont il se serait bien passé, le sujet étant particulièrement difficile et dur. Quant aux cinéphiles, ils devront faire effectivement leur deuil d’un cinéaste qui a tant apporté au Québec et aux Québécois.
Au ciné ce soir 