C’est la polémique du moment. Le producteur Skype Lee a récemment annoncé sa décision de boycotter la prochaine cérémonie des Oscars qui se tiendra le 28 février prochain à Los Angeles. Raison invoquée ? L’absence d’acteurs et d’actrices noires parmi les nominés dans les principales catégories. Le célèbre producteur ne devrait pas être seul puisque Will Smith et sa femme ont décidé de faire de même et d’autres acteurs afro-américains devraient suivre.
Ce n’est pas la première fois que le problème est soulevé puisque déjà l’année dernière, il n’y avait aucun acteur ou actrice noire parmi les nominés. Certains pourraient penser qu’il ne s’agit que d’une (très) fâcheuse coïncidence et que c’est la faute à pas de chance qu’il y ait, pour la seconde année consécutive, aucun acteur noir prétendant à la petite statuette.

Un constat qui a fait bondir les réseaux sociaux ainsi que la communauté afro-américaine qui y voit là un racisme à peine voilé, à tel point que certains comme le couple Smith, envisagent sérieusement à se retirer de la machine hollywoodienne et promouvoir leurs propres productions, ce qui n’est pas un souci en soi, l’argent ne manquant pas.
L’analyse est, certes, un peu tirée par les cheveux et certains crieront à la victimisation, elle n’en demeure pas moins très pertinente. La prestigieuse académie du cinéma américain a bien évidemment oscarisé des acteurs et actrices noirs dans le passé. Cependant seulement trente-six acteurs afro-américains ont été récompensés contre seulement plus de 1000 acteurs blancs depuis 1929 et l’existence de la cérémonie, soit seulement 1%. Un taux très faible mais finalement bien logique quand on sait que la quasi-totalité des votants aux Oscars sont des blancs et que les minorités noires et hispaniques doivent se contenter des miettes pour exister. A cela s’ajoute un problème démographique, l’académie des Oscars étant non seulement blanche (en dépit de sa présidente noire) mais surtout mâle et vieillissante. Un décalage générationnel qui écarte tout simplement les acteurs afro-américains de la course la plupart du temps.
La très faible représentativité des minorités noires et hispaniques (et je ne parle même pas des amérindiens et asiatiques) dans les instances du cinéma américain n’est pas surprenante en soi car elle n’est que le reflet de la société américaine et de ses contradictions. Bien évidemment, on se félicite d’un président des Etats-Unis noir mais c’est au bout du compte, l’arbre qui cache la forêt et surtout qui met le doigt là où ça fait mal, à savoir le manque criant de diversité et d’un racisme à peine voilé.

Il suffit en effet de voir les différentes et stupides réactions de certains internautes à l’annonce de Michael B. Jordan interprétant La Torche dans le reboot des Quatre fantastiques, ce même Michael B. Jordan complètement mis de côté dans la course aux Oscars mais dans une moindre mesure dans la promotion de Creed, alors qu’il tient non seulement le haut de l’affiche mais surtout marque une plus forte présence à l’écran par rapport à Sylvester Stallone.
Mais rien comparé à certaines pratiques tout aussi curieuses que scandaleuses, celles notamment qui obligent Spyke Lee à engager des scénaristes blancs pour raconter l’histoire du groupe afro N.W.A dans Straight Outta Compton. Une pratique effectuée, sans vergogne, par la plupart des studios hollywoodiens et qui obligent les producteurs et réalisateurs noirs à s’y conformer s’ils souhaitent que le film ait une chance de voir le jour.

Autant d’éléments qui expliquent le très fort agacement de la communauté afro-américaine à quelques semaines de la grand-messe du cinéma US. Et en France, me direz-vous ? La question reste pertinente même s’il convient de rappeler que des progrès notables ont été effectués depuis quelques années. Régulièrement, des acteurs et actrices dits de la diversité sont présents dans la liste des minorités, sont parrainés par l’académie des Césars et gagnent même des prix, je pense notamment à Omar Sy, couronné meilleur acteur en 2012 pour Intouchables. Du chemin reste encore à faire mais on va quand même dans le bon sens !
En espérant que l’année prochaine, Chris Rock ne sera pas encore le noir de service uniquement présent pour faire le show à L.A !