Vous vous en souvenez, la semaine dernière j’assistais à l’avant-première de Much Loved à l’UGC Ciné Cité Les Halles. Une projection qui fut interrompue à l’heure du film en raison d’une forte odeur suspecte de brûlé qui avait envahi la salle, obligeant la direction du multiplexe à évacuer.
Si on n’a jamais su les causes de cet incident – et qu’on ne saura probablement jamais – les autres projections en avant-première se sont en revanche déroulées sans encombres et/ou problèmes particuliers, signe que les choses commençaient peu à peu à s’apaiser. C’est donc tout naturellement que je suis allé voir (ou plutôt reprendre) le film, bien déterminé à découvrir cette magnifique et poignante histoire.
L’histoire de quatre prostituées marocaines exerçant à Marrakech. Quatre filles (Noha, Randa, Soukaina et Hlima) qui vivent de relations tarifées dans l’espoir d’une vie meilleure. Elles font le show dans les soirées sélectes où se croisent riches occidentaux et saoudiens fortunés. Mais comment exister et se faire respecter dans cette société marocaine qui tout étant conscient de leur importance et leur utilité, ne cesse de les condamner au nom de la morale bien pensante ?
Much Loved a fait beaucoup parler de lui et continue à le faire, en France bien sûr mais surtout au Maroc où le film est – pour le moment – interdit par les autorités qui évoquent une atteinte aux bonnes mœurs. Sans doute que le nouveau film de Nabil Ayouch pointe certains tabous de la société marocaine pour mieux les dynamiter par la suite. Outre la prostitution, le film traite également de la position de la femme, de la pédophilie ou bien encore de l’homosexualité, sujets qui existent bel et bien au Maroc mais que le Maroc fait mine d’ignorer. Nabil Ayouch dynamite ces non-dits non pour mettre son pays en difficulté ou lui donner une image négative mais pour dire les choses franchement.
Une scène m’aura particulièrement marqué dans ce film, c’est de voir ces très riches saoudiens qui avec leurs billets, aspergent nos héroïnes qui se battent pour les récupérer. Une scène à la fois forte et dérangeante qui résume à elle seule la tonalité et l’esprit du film : se battre pour faire vivre sa famille, pour ne pas sombrer. La prostitution est le seul moyen qui leur permet de se faire une place dans la société ce qui n’empêche absolument pas à Noha, Randa, Soukaina et Hlima de se mettre à rêver, d’avoir des projets. Résultat, Much Loved est un film puissant qui a le mérite de placer le Maroc dans ses contradictions : celle d’une société qui tout en condamnant les prostituées, profitent largement d’elles, limite sans vergogne, servant en fonction des situations, de pilier familial, de breadwinners (celles qui ramènent le pain à la maison), de joujou sexuel pour riches saoudiens comme pour certains Marrakechois en manque d’affection ou bien encore de dame de compagnie pour riches occidentaux.
Much Loved est donc un film qui regarde le Maroc les yeux dans les yeux via la vie et le portrait de ces quatre prostituées. Alors que le film aurait pu sombrer dans le mélo, d’autant qu’il parle d’un sujet dur et cru, il prend malgré tout le parti de l’ironie et même du rire, ce qui donne une puissance toute particulière à une magnifique et forte histoire.
Much Loved
Un film de : Nabil Ayouch
Pays : Maroc
Avec : Loubna Abidar, Halima Karaouane, Asmaa Lazrak, Sara El Mhamdi Elaaloui, Abdellah Didane…
Genre : drame
Durée : 1h44
Sortie : le 16 septembre
Note : 16/20