Il y a une quinzaine d’années, je me souviens d’avoir vu Virgin Suicides à la salle 6 de l’UGC Ciné Cité Les Halles. La bande-annonce et – surtout – Kristen Dunst m’avaient intriguées. Un film remarquable, une bande son inoubliable popularisée par la fameuse chanson Playground love de Air, bref un film culte qui me marque encore.
Dès lors lorsqu’on a comparé le film de Sofia Coppolla à Mustang, le premier long de Deniz Gamze Erguven, la prudence était de mise tant la comparaison était tentante et bien trop facile. Comme dans les deux films, de jeunes femmes sont à l’honneur, au centre d’un huis-clos inquiétant, étouffant dans lequel elles recherchent une échappatoire.
La comparaison s’arrête là. Mustang raconte en effet l’histoire, au coeur de la Turquie, au début de l’été, de cinq sœurs, âgées de 13 à 18 ans, qui accusées d’être des débauchées et des dévergondées, se retrouvent enfermées dans la maison familiale. Fini la liberté, la joie tout simplement de s’amuser et de jouer avec les garçons (notamment) comme toutes les filles de leur âge. Dans une société très traditionnelle où la femme a pour fonction d’être en retrait et l’homme joue un rôle prépondérant, les cinq filles doivent se comporter comme de futures épouses et mères de famille respectables à tout point de vue. Eprises de liberté, Lale et ses sœurs détournent progressivement les règles et les limites qui leurs sont imposées à leurs profits.
Mais là où Virgin Suicides connaît une issue tragique, Mustang prend un chemin tout différent. Entendons-nous bien, l’atmosphère étouffante et claustrophobe du film ne permet pas au spectateur de rire à gorges déployées, bien au contraire ! Chacune des cinq protagonistes principales cherche, face à l’arbitraire et à l’interdit imposés, à s’affranchir de l’oppression familiale et sociétale qui pèse sur eux avec une issue plus ou moins heureuse. Tout sert alors de prétexte pour s’échapper d’une cellule familiale imposante : le mariage arrangé (qu’il soit réciproque ou non), le déshonneur et même le fait simple fait d’aller voir un match de football ou de conduire, comme symbole de liberté. Les femmes saoudiennes en savent quelque chose !
Toutes ne résistent pas et ne réagissent pas de la même façon face à l’oppression dont elles sont victimes et curieusement, celle qui résiste le plus n’est pas forcément celle que l’on croit. Autrement dit, Lale, du haut de ses 13 ans est celle qui résiste le plus à l’oppression familiale. Elle n’a pas froid aux yeux et on a le sentiment qu’elle est la seule à s’opposer de manière frontale aux adultes de sa famille, comme un signe de maturité et d’émancipation précoces. Lale est clairement une meneuse, c’est une question de survie. Dès les premières minutes du film, elle prend le pouvoir et fait sensation entre insolence et courage.
Mustang porte bien son nom car ce sont cinq juments qui ne peuvent rester dans un vase clos et qui ont cruellement besoin de galoper sous peine de péter un câble. Une description très intéressante de la société turque traditionnelle où certains tabous demeurent encore même s’ils tombent un par un. Pour un premier film, c’est une réussite et espérons que Deniz Gamze Erguven continuera à faire parler d’elle.
Mustang
Un film de : Deniz Gamze Erguven
Pays : Turquie
Avec : Güneş Nezihe Şensoy, Doğa Zeynep Doğuşlu, Tuğba Sunguroğlu, Elit İşcan, İlayda Akdoğan
Genre : drame
Durée : 1h37
Sortie : le 17 juin
Note : 16/20