Ouvrir un festival, ce n’est pas une mince affaire même si cela est évidemment prestigieux. Si en plus, c’est à Cannes, c’est encore plus stressant. Et si en plus, vous êtes une femme…
Mais si Emmanuelle Bercot a du un peu stresser à l’idée de lancer les festivités avec son dernier opus, elle n’aurait pas du car son film est tout simplement une réussite, une belle histoire.
La tête haute raconte l’histoire de Malony, un adolescent qui sombre dans la délinquance et qui est habitué des rendez-vous avec le juge pour enfants. Malony ne semble pas se soucier de l’autorité, il est violent et se fiche pas mal des règles, face à une mère désemparée et surtout irresponsable qui ne semble pas vraiment prendre son rôle avec gravité. C’est dans cette spirale infernale que le juge pour enfants et Yann, un éducateur, vont tout faire pour le sauver de sa folle autodestruction et d’un destin qui semble d’ores et déjà tracé.
Dès les premières minutes, on plonge dans un univers anxiogène et le décor est rapidement planté : une mère interprétée par une Sara Forestier méconnaissable et qui semble au mieux dépassée par les évènements et le comportement de son fils ainé, au pire totalement irresponsable. Un juge, jouée par une Catherine Deneuve digne qui se demande comment le jeune délinquant qu’elle a en face de lui va faire de sa vie, du moins ce qu’il en reste. Au milieu, Malony, justement, un ado, interprété par l’impressionnant Rod Paradot, dont on se dit tout de suite qu’il est perdu pour vivre durablement en société et dont on ne pourra tirer de lui.
C’est en réalité une grossière erreur et le film tente à démontrer qu’on se trompe à travers l’action du juge pour enfants qui, si elle applique le droit et sanctionne, cherche à protéger l’enfant et préserver ses intérêts. Cela se voit à plusieurs reprises lorsque le magistrat doit prendre des décisions qui à un moment peuvent choquer ou contraires à la situation ou aux circonstances. La juge sait que la décision qui la motivera ne sera jamais la meilleure mais sait également qu’elle aura un impact sur le comportement de Malony, ce qui se vérifie à plusieurs reprises.
A cela, il faut évoquer un troisième personnage qui occupe tout aussi centrale, pour ne pas dire primordiale : l’éducateur. Joué par un Benoit Magimel touchant, il fait tour à tour figure de grand frère, de papa, de père fouettard, là où les parents sont aux abonnés absents. Le rôle de Yann est tout aussi essentiel, servant aussi de pont entre l’institution judiciaire et l’enfant.
L’enfant tout ça ? Il occupe la première place justement. Certes, je ne rappelle qu’une évidence mais son rôle central donne une dimension tout autre au film. Le réalisateur ne se contente pas de livrer le point de vue des adultes, celui de l’ado compte également. Mieux, ils sont sur un même plan d’égalité. A travers le visage et le comportement de Malony, on perçoit de la rage, de la colère mais également une certaine fragilité qui ne manque jamais de s’exprimer à quelques moments-clé de sa vie. Derrière l’image qu’il veut se donner, on aperçoit un tout autre personnage qui devra à son tour, prendre des décisions capitales pour son avenir, ce qui le fera grandir avec ou contre sa volonté et le pousser à assumer ses actes.
Un journaliste canadien présent à Cannes, avait parlé de la comparaison qu’on faisait de ce film avec Mommy, le magnifique long-métrage de Xavier Dolan. Si on retrouve la même rage, la même souffrance mais également la même fragilité chez les personnages principaux respectifs, je crois que la comparaison s’arrête là ! Toujours est-il que La tête haute est une très jolie histoire avec un Rod Paradot dont je suis sur qu’on entendra encore parler de lui à l’avenir.
La tête haute
Un film de : Emmanuelle Bercot
Pays : France
Avec : Catherine Deneuve, Rod Paradot, Benoît Magimel, Sara Forestier…
Genre : drame
Durée : 1h59
Sortie : le 6 mai
Note : 18/20