Lorsqu’on a appris qu’il y aurait cette année deux biopics sur la vie d’Yves Saint-Laurent, le célèbre et mythique couturier de la rive gauche à Paris, nombreux sont ceux qui attendaient le match et le résultat pour se faire une comparaison, de savoir qui de Jalil Lespert (qui a réalisé Yves Saint Laurent, sorti en tout début d’année) ou Bertrand Bonello avait été le plus fidèle à la vie fastueuse comme obscure du créateur de mode.
Le match a finalement eu lieu même s’il a fallu du temps. Initialement prévu pour mai, juste après sa présentation du festival de Cannes, Saint-Laurent a été repoussé en septembre, et se concentre sur une période assez courte et à la fois la plus créatrice et la plus sombre de la vie du couturier. Au sommet de son génie et de sa gloire et à la notoriété sans cesse croissante, Yves Saint Laurent fait face de plus en plus à ses démons et se sent submergé par le milieu de la mode qu’il cherche à fuir via l’alcool, la drogue… au risque de s’autodétruire dans un contexte tout aussi explosif, celui des années 70.
Si le film de Jalil Lespert avait l’avantage d’être linéaire et assez bien rythmé, épuré – une sorte de « Yves Saint Laurent » pour les nuls – avec un Pierre Niney ressemblant très nettement au couturier parisien, le long de Bertrand Bonello se veut en revanche, beaucoup plus profond, très intellectuel, du genre, film d’auteur spécialement fait pour Arte (qui, par le plus grand des hasards, coproduit le film). Ceux qui ont vu L’Apollonide devraient sans difficulté se souvenir de cette ambiance assez curieuse (pour ne pas dire bizarre) et de ce rythme lent mais pas pénible pour autant que l’on retrouve dans ce nouveau biopic. On y retrouve un Saint Laurent plus sombre, plus cynique, plus désabusé, portant un regard acerbe sur son milieu, chose qu’on ne retrouve pas (suffisamment) dans l’œuvre de Lespert. La différence est toute trouvée et se tient dans la durée du film où Bonello s’est accordé plus de temps pour creuser et exploiter au maximum la part sombre du personnage.
Résultat, un film assez convaincant avec un Gaspard Ulliel qui campe assez bien un Yves Saint Laurent à la croisée des chemins, éclipsant au passage Jérémie Renier qui incarne un Pierre Bergé curieusement en retrait et une Léa Seydoux dont on se demande (comme souvent avec Léa Seydoux) si son personnage (à savoir Loulou de la Falaise) était vraiment utile au film.
Là où le Yves Saint Laurent de Jalil Lalispert se voulait grand public et minimaliste, le Saint Laurent de Bertrand Bonello s’adresse finalement à un public particulier et se montre plus ambitieux dans l’exploration du couturier, une sorte de psychanalyse du personnage afin de mieux comprendre le personnage à la fois talentueux et extrêmement tourmenté que fut le créateur de la marque YSL. Le résultat aurait pu être désastreux, à savoir un ennui total mais finalement Bonello ne s’en sort pas si mal, même plutôt bien !
Saint Laurent
Un film de : Bertrand Bonello
Avec : Gaspard Ulliel, Jérémie Rénier, Louis Garrel, Léa Seydoux, Amira Casar, Aymeline Valade, Helmut Berger, Valéria Bruni Tedeschi…
Pays : France
Genre : biographie
Durée : 2h30
Sortie : le 24 septembre
Note : 13/20